19.4.07

Ville de M.

Voici le premier texte d'une série, que j'espère longue, qui traitera d'horreur, d'esprits, d'insanité et de paranormal.

Prologue

Je suis un chaos. Depuis ces derniers mois, je n'arrive plus à être moi-même, confronté constamment aux micro ondes qui envahissent mon espace vital. J'ai l'impression de parler au lave-vaisselle, de discourir avec la radio et de soliloquer, malgré moi, en face de la télé. Les ondes me poursuivent. Je suis pris entre deux murs parallèles où les bibliothèques m'appellent et les plantes me narguent. C'est pathétique. Je ferais mieux d'en finir.

Lorsque je dialogue avec le lave-vaisselle, je me heurte fréquemment à une rhétorique liquide, où les assiettes se frottent contre les verres pour mieux me confondre. Vous penserez que je suis fou. Vous n'avez peut-être pas tort. Cette maison me veut du mal. Je le sens. Vous me pensez encore taré? Rien n'est plus incertain.

Je dois m'éloigner de tout ce brouhaha cosmique, les astres, en coalition contre ma sanité, se targuent de mieux connaître mon âme que le curé défroqué qui officie à l'église Notre-Dame. Son eau bénite ne peut rien contre les diables qui flottent entre les lampes et le piano hérité de ma grand-mère.

Tout s'écroule. Tout se désagrège. C'est comme une tour de Babel qui veut toucher la Sainteté alors qu'à la base les peuples se mutilent pour mieux encenser Celui qui les a créé. Tout me dégoûte. Tout me répugne.

Je ne peux plus aller à l'épicerie sans entrevoir des spectres invisibles qui me suivent dans l'allée des céréales. Des traînées de sang dont je suis le seul à connaître l'existence se glissent derrière mes pas pour mieux me faire déraper face à l'étalage de mozzarellas. Je titube, je transpire, le fromage bocconccini m'interpelle et me dit « viens »; je le fuis comme un orignal ne fige pas devant une Mazda de l'année sur la 117; je me réfugie au sein des légumineuses, j'ouvre une conserve de pois chiches pour éloigner les esprits qui en veulent à mon discernement, je me précipite derrière les rouleaux de papier Q pour cacher mon angoisse, ma terrible envie de vire mal dissimulée par mes vêtements délabrés; ma barbe que je n'ai pas rasée depuis belle lurette me pique — je ramasse une dizaine de lames à raser que je garroche frénétiquement dans mon chariot avant de dévaler la pente qui mène à la caisse; la commis, hébétée, me demande si j'ai une carte Air Miles, je ne réponds pas, je lui dis que je suis pressé, non je n'ai pas de sacs recyclables.

— Crisse toute ça dans un sac que je déguerpisse, je ne suis pas en sécurité.

Ce n'est pas la première fois que je lui fais le coup mais elle semble plus surprise qu'à l'habitude, je lui dis de peser sur l'accélérateur, de lâcher le break-à-bras, l'heure est critique.

Viens.

« Dépêche tabarnak ». Je ne suis plus moi-même depuis longtemps, cela se sent, cela se voit, j'en transpire tellement je ne me reconnais plus, la schizophrénie est en cours, ou peut-être pas, mais il est primordial que je quitte l'épicerie sur-le-champ car Ils arrivent, Ils me suivent, Ils sont là, tout près, Ils s'apprêtent à en finir avec moi.

Personne ne rit, tout le monde est estomaqué, tout le monde viderait une bouteille de Pepto Bismol, tout le monde se ferait couler du salicylate de bismuth malgré l'haleine fétide et les tâches noires qu'il peut provoquer sur les gencives.

— 23,34 $ s'il vous plaît.

On me vouvoie depuis quelques années, je trouve cela navrant, cela m'énerve, je sors mon Glock 9 mm, je ne comptais pas m'en servir, je dis je n'ai pas d'argent, ni de cartes, est-ce que je peux payer la prochaine fois? La commis blanchit, on dirait qu'elle vient de passer à l'eau de Javel, elle rétorque un faible « oui oui ». Je sors, et une rangée de formes difformes m'escortent jusqu'à ma Plymouth Voyager 1994; j'entends des chaînes et des boulets traînés par terre, un bruit strident m'accable les oreilles. J'espère arriver à destination.

Et la suite :

3 comments:

Anonymous said...

Seriously dude I feel like that exactly. I'm not kidding!
excellent piece of writing.
i'm in moronto and i can't even get food at this hour!
i better sleep on it

Anonymous said...

Man!! Chris....or shall I say Super K.

It made me think of how the killer in Virginia must have felt. Alienated, pissed. Not the picture of joy. Very dark stuff.

Hope your doing better than your character....LOL I know you are. I have a feeling we'll see eachother this summer. Quebec is worth the trip. Keep on sending the links. Ciao Buddy

Christian Roy, aka Leroy said...

hey chuck (yeah i know it's you ;)

i'm doing fine. don't worry. only fiction around here, read the title?

so when u coming to qc?