31.5.09

L'instance du moment - Vendredi de poésie du TAP

Communiqué - pour diffusion immédiate

Vendredi de poésie du TAP

L'instance du moment

Quand: Vendredi 5 juin, à 20 h 30,
: au Tam Tam Café (421, boul. Langelier – à l’angle du boul. Charest est, à Québec)
Combien: Entrée libre, sortie gratuite, poésie dégelée.

Comme le veut la coutume aux Vendredis de poésie du TAP, la scène libre suivra une première partie avec des poètes invités.

Un moment d’attention svp. On ne peut goûter et profiter du temps que l’on a que dans la mesure où l’on peut créer et multiplier des ces bulles d’observations privilégiées que l’on nomme « moments ». Cesser durant un moment ses occupations quotidiennes afin de porter attention au monde dans lequel nous vivons, s’en imprégner à petite échelle à travers tous nos sens et notre conscience.

Chaque seconde mérite son quart d’heure de gloire, tandis que tant de moments restent en instance. Sans contredit, chaque poème tend, justement, à créer un moment. C’est là où réside, peut-être, la principale motivation des poètes : assouvir l’instance du moment.

Invités:
  • France Cayouette
  • Bertrand Tremblay
  • André Vézina
  • Marité Villeneuve
Avis aux poètes : scène libre! Venez donner vie à la scène dans vos mots et par votre présence (en lecture, en interprétation ou en performance) ! Inscription à compter de 20h.

Animateur: André Marceau.

Présentés par le Tremplin d’actualisation de poésie (TAP), en partenariat avec le Centre communautaire Jacques-Cartier (CJC) et le Tam Tam Café, ainsi qu’avec l’aide de l’Entente de développement culturel (Ville de Québec et du Ministère de la culture, des communications et de la condition féminine du Québec), puis la commandite de la radio des découvertes CKRL (89,1), les Vendredis de poésie ont lieu chaque second vendredi du mois depuis 1998.

-30-

Pour infos : Claude Marcotte, Tam Tam Café et Centre Jacques-Cartier ; tél.: 523-6021

Organisation et communications (source) : André Marceau (TAP) ; tél.: 523-1174 ;

courriel : tapoesie@hotmail.com

Les invités du mois, et leurs dernières publications:
  • France Cayouette : Jolie vente de débarras, poésie, Éditions du Noroît, 2008
  • Bertrand Temblay : Lettres du petit matin, poèmes, éditions de l'Oésie, 2007
  • André Vézina (direction) : Écris-moi un jardin, Haïkus de saison au Jardin Van den Hende, collectif de 17 auteurs, La couverture magique productions, 2009
  • Marité Villeneuve : Des pas sur la page, essai, éditions Fides, 2007

28.5.09

1

ton cri résonnait entre les peupliers graisseux
je lissais tes feuilles aseptisées avec mon peigne des occasions suicidées
c'était aussi bon qu'en octobre 70
et je trouais tes lèvres de mes ongles scaphandres

tes yeux s'écoulaient

... les vitres ...
au loin
... dans la pénombre circonscrite de l'aboiement télévisuel ...
;;; l'escalier qui palpitait au fond de la baignoire visqueuse ;;;
c'était toi transfiguration nanouk
... miroir glauque aux reflets absents #bb#

tu te déchirais sans lumière

27.5.09

Le Lecteur et le labyrinthe

Ce qui m'a interloqué en premier dans (ou plutôt, "sur") Logogryphe de Thomas Wharton, c'était sa couverture: une parte de livre, à l'envers, ce qui ressemble à une tuile, un collier, et cet œil qui me regardait à travers la tuile. Déjà j'étais fasciné.

Mais vous allez me dire qu'il ne faut pas juger un livre par sa couverture. Et bien celui-là, si. L'étrangeté de la couverture n'a d'égal que le contenu labyrinthique et pourtant homogène de cette œuvre qui a valu à l'auteur le prix Howard O'Hagan Award for Short Fiction; il a aussi été finaliste au prestigieux IMPAC Dublin Award.

Si vous n'avez pas déjà fouillé dans un dictionnaire pour trouver la signification du mot "logogryphe", qui a troqué son Y pour un I dans sa graphie contemporaine, c'est que vous savez déjà que c'est une énigme où l'on donne à deviner un mot à partir d'autres; cela peut aussi signifier un discours, un récit où l'on ne s'y retrouve pas aisément. Dans le cas qui nous occupe, Logogryphe répond aux deux définitions.

L'auteur enchaîne de façon brillante entre des récits imaginaires où le début et la fin ne sont pas clairement définis, où certaines pages peuvent se glisser dans une autre histoire pour en altérer le sens à tout jamais, jusqu'à ce qu'un personnage inattendu y pénètre et réoriente l'intrigue ailleurs. Wharton s'approprie des mythes comme celui d'Ulysse et lui donne un navire "gréé d'un dos extensible permettant d'augmenter la surface des pages par vent calme".

Mais surtout, il s'amuse avec le lecteur:

"Il est vrai que vous vous attendiez à ce moment archétypique: vous n'êtes pas un lecteur naïf. Vous savez qu'un jour, vous trouverez une empreinte, une trace indéniable, la preuve qu'il y a ici quelqu'un d'autre que vous, la présence d'un autre esprit, d'un autre texte, d'une autre liseuse. Vous mourez d'envie de faire sa rencontre et celle de ce texte autre, d'apprendre son lexique, sa façon de vivre, à l'intérieur comme à l'extérieur du roman.

Jusqu'au moment où une idée folle, effrayante, vous frappe: chaque mot est une empreinte; les traces que vous cherchiez, elles sont là. Soudain, vous les distinguez clairement sur le blanc des pages: ce sont les mots d'une autre langue; celle de l'espace étranger qu'est le roman; loin d'être un désert, c'est plutôt le contraire, et une fois de plus vous y avez planté l'étendard qui proclame le règne de votre lecture."

C'est à une lecture lente et contemplative qu'invite Wharton qui, comme Guillaume Corbeil dans L'Art de la fugue, pousse le lecteur à relire l'histoire précédente pour mieux en apprécier les subtilités, pour mieux revenir à l'histoire qu'il lit et s'y transposer, comme s'il faisait partie de l'histoire même. Cet ensemble de courtes histoires, qu'on ne saurait nommer "recueils de nouvelles", et que j'hésite à appeler "roman" même si c'es ce qui est écrit sur la 4e de couverture, ressemblent plus à un heureux amalgame de plusieurs récits dont le thème central serait le roman tel que perçu par le lecteur, en rêve.

"À la fin, même notre patience s'amenuise. Mécontent de cette avarie évidente, on secoue le roman, on le cogne contre l'accoudoir de notre chaise longue. On lit toujours, avec ténacité, mais ce roman qui n'en est pas un nous perd en cours de route, sans que l'on éprouve le besoin de revenir en arrière pour savoir ce que l'on aurait manqué. Les mots, les phrases finissent par se résorber en bruit de fond semblable au bourdonnement d'appareils électroniques dans le clair-obscur d'un corridor d'usine. Nos pensées s'évadent, déambulent derrière nos désirs et souvenirs personnels, tandis que nos yeux continuent à parcourir mécaniquement les lignes de texte jusqu'au bas de chaque page."


Récemment, je discutais avec Mathieu Arsenault (Vu d'ici, Album de finissants) sur ce qu'il appelle "Les grosses briques postmodernes américaines", en référence à ces ouvrages d'une éloquence crasse mais quasi indéchiffrable, surtout à cause de leur érudition et leur volume. On pense ici à Don DeLillo (Underworld), feu David Foster Wallace (Infinite Jest), Thomas Pynchon (Gravity's Rainbow) et Mark Z. Danielewski (House of Leaves). Wharton, lui, a réglé le cas de ces ouvrages fascinants mais trop longs à consommer dans notre monde en constante mouvance:

"Pour les lecteurs qui n'ont pas le temps de s'engager de façon contemplative et décontractée dans un ouvrage de fiction, ce roman représente la solution idéale. La substance qui occupait à l'origine neuf cents pages est ici magistralement plumée, abrégée, pulvérisée, filtrée, séchée, puis reconstituée en version concentrée, remballe sous forme contemporaine, facile d'accès.

Néanmoins, malgré ce que l'on aurait pu craindre au départ, il s'agit toujours de littérature de la meilleure qualité, allant droit au thème qu'elle s'est fixée, attachante, innovatrice, dépourvue des extravagances qui dénotent le cabotinage de l'auteur, rendue savoureuse en regardant la télévision, en travaillant à l'ordinateur ou en pleine conversation cellulaire à l'heure de pointe. Par-dessus tout, sa lecture ne laisse aucune rémanence; pas le moindre dilemme éthique ne vient troubler le reste de la journée."

S'inscrivent aussi au cœur du livre les histoires des lecteurs et des prédécesseurs, car un livre est aussi la somme de toutes ses lectures. C'est ainsi que le lecteur se pose des questions sur les notes qu'un lecteur passé a laissé dans la marge, et dont les codes d'abréviation demeurent parfois impénétrables; où la lecture se trouve entravée par le fantôme d'un lecteur d'un autre temps, d'un autre monde, qui hante vos pensées pendant la lecture:

"Les graffitis qui le défiguraient, commis pour la plupart à l'aide d'un stylo bavant une encre de mauvaise qualité, me firent grincer des dents. J'avais beau m'évertuer à me concentrer sur l'histoire, je ne parvenais pas à ignorer les annotations et les interrogations de mon prédécesseur. Pas moyen de faire comme si elles n'existaient pas: chaque fois que je tournais une page et que je tombais sur un autre gribouillis en patte de mouche, la simple curiosité humaine me poussait à le lire. Il fallait bien que je sache si le lecteur antérieur avait découvert un élément qui m'aurait échappé. Si la lecture est un acte érotique, peut-être ces notes marginales éclairent-elles mes propres insuffisances en tant qu'amant des mots. J'avais besoin de savoir si cet autre lecteur était meilleur que moi. Cela m'aurait ravi de trouver la preuve qu'il, ou elle, ne m'arrivait pas à la cheville lorsqu'il s'agissait d'allumer les qualités subtiles du livre, de combler ses désirs secrets. Je finis par remarquer que le lecteur ne manquait jamais de souligner ni d'annoter les passages en apparence les plus anodins, les faisant briller d'une mystérieuse aura. En marge, par exemple, du mot "imaginaire" souligné, je lus la phrase "je suis dans le gris". Parfois, voilées par des abréviations déconcertantes, les notes se refusaient à toute interprétation: "ce paragraphe est tr.nl." En effet."
Le clou du livre est sans aucun doute cette bibliothèque abandonnée que visite une bande de voyageurs en terre étrangère, dans "la plus puissante cité d'un empire disparu". Maya, Aztèque, l'auteur ne le dira jamais. À l'instar de la Bibliothèque de Babel, de Borgès, où toutes les salles épouse la forme d'un hexagone et où chaque livre possède 410 pages, Wharton crée une bibliothèque stupéfiante où il ajoute un obstacle supplémentaire: l'impossibilité de lire les livres qui s'y trouvent car le seul fait de les ouvrir les faits se réduire en poussière.

Le mystère reste entier. L'énigme demeure. Le Logoryphe, comme la bête mythique qu'il représente et qui hante les rayons d'une librairie, d'une bibliothèque près de chez vous, est une citadelle imprenable sur les berges du fantastique, du merveilleux.

Jesus Gangsta

Yo, oublie pas mon nom c'est Jésus / je marche sur l'eau
J'ai 12 apôtres qui m'aident à respecter mon flot
Ma mère est vierge / la tienne elle est comment
Elle allume des cierges / pis elle se force en sacrament

1.

Je suis né dans une étable / sur une botte de foin
Pas sur une table d'opération / les poches pleines de foin
Après qu'un empereur full whack / ait fait tué twé enfants d'la région
Paraît qu'l'armée romaine a peiné à renflouer ses légions

Deux semaines après ma fête / les 3 rois mages sont arrivés
Avec de l'encens de la myrrhe de l'or / et autres images dérivées
Mon avenir était grand, de mon salut personne ne saurait te priver
À moins qu'un sous-ministre me vende dans un partenariat public-privé

À 12 ans, déjà moi, j'enseignais aux Anciens
J'avais vidé le temple de tous ces bâtards, ces Pharisiens
À 12 ans, toi, tu saignais en t'battant avec les Anglais
Tu t'attardais aux accents, au salut du Québec français

2.

Aux noces de Cana / j'ai multiplié le pain et le vin
Du Ca-canada tu tentes la séparation du Québec, en vain
Par deux fois t'as essayé en 95 en 80
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvain...

J'aurais pu traverser le lac Nasser / comme Manu Militari
À place j'ai traversé le désert / pendant 40 jours et nuits
Mais je m'demande à quoi ça sert / c'est comme boire à une source tarie
Que de se prendre pour le Sauveur / quand on passe même pu à TV

J'aurais pu chanter pour prévenir le suicide comme Loco Locass
Ou rapper pour dénoncer les date rapes comme Koriass
C'était pas ma game, j'aimais mieux chiller avec ma gang de connasses
Il eut peut-être été préférable que je les flinguasse

3.

Mon possee slamme dans l'West Side East Side de Jerusalem
Depuis pas mal plus longtemps que Eminem ou même Matusalem
Demandez à ma bitch Marie-Madeleine si elle m'aime
C'est comme exiger d'George Bush de pas finir un speech par Amen

Mon père c'est Dieu, yo! ya créé l'monde en 7 jours
Ton père c'est qui déjà? I guess nobody knows
Mon trisaieül, Moïse / a séparé les eaux
Toi, ta gueule est dans la moise / tellement t'as bu du Pineau

des Charentes, charrue, Charest, charogne & chavire
Mon père a mis un terme aux joies de Sodome et Gomorre
et toi tu mords à l'hameçon / tu te pâmes en déraison
n'y a-t-il que la vie et la mort pour enculer ton triste sort?

Avant de mourir / Judas m'a trahi
M'embrassant sur la joue avant de s'enfuir, le pourri
Comme le vote ethnique et le souvenir meurtri
D'un Parizeau trop chaud pour être responsable de ses conneries

24.5.09

Deux gars sur un pont, selon Bataille

C'est La Part maudite qui aimera, et peut-être toi, aussi, cette lettre de Dominic Fontaine-Lasnier dans Le Devoir du 23-24 mai.

Dominic Fontaine-Lasnier, Professeurs de philosophie au Cégep de Drummondville
Mathieu Gauvin, Professeurs de philosophie au Cégep de Limoilou

Édition du samedi 23 et du dimanche 24 mai 2009

Mots clés : Georges Bataille, Philosophie, Humour, Culture, Québec (province)

Une société capable de rire d'elle-même est plus saine sur le plan démocratique
Deux fois par mois, Le Devoir propose à des professeurs de philosophie et d'histoire, mais aussi à d'autres auteurs passionnés d'idées, d'histoire des idées, de relever le défi de décrypter une question d'actualité à partir des thèses d'un penseur marquant. Aujourd'hui, veille du Gala Les Olivier, une analyse de l'omniprésence du rire au Québec par le truchement des thèses de l'écrivain français Georges Bataille.

Le Québec est une terre bienveillante pour ses humoristes. La soirée télévisuelle dominicale d'une grande chaîne, demain soir, leur sera d'ailleurs consacrée: on y diffusera le 11e Gala Les Olivier. Notre société fait la part belle aux humoristes.

Ils sont fréquemment invités à se prononcer publiquement sur des questions qui, à première vue, ne les concernent pas spécialement, sinon comme simples citoyens: la politique, l'économie, l'éducation, pour ne nommer que les plus récurrentes.

Mais s'il est vrai que tout le monde a droit à son opinion, il faut admettre qu'on ne devient pas une autorité dans un domaine simplement parce qu'on sait en rire.

Pourtant, il semble que les humoristes soient devenus en quelque sorte une élite, au grand dam de ceux qui, habitués à une toute autre définition de l'élite, se sentent écartés de cette classe. On parle ici des intellectuels au sens plus classique du terme. Or être dépossédé d'un statut privilégié engendre toujours un certain mécontentement, encore plus lorsque cette dépossession s'accompagne d'une baisse d'attention médiatique.

En effet, quand on demande aux humoristes de se prononcer sur de grands enjeux nationaux et internationaux, quelqu'un perd peut-être sa place, sa tribune d'expert -- perte que d'aucuns considèrent comme une injustice.

De la dénonciation de cette «injustice» à la critique de la place du rire dans le quotidien des Québécois, il n'y a qu'un pas, facile à franchir d'ailleurs pour ceux et celles qui voient dans le rire un signe d'inanité, de vide culturel et de grossièreté. Le rire et l'humour, surreprésentés, deviennent alors les manifestations décadentes d'une mentalité populaire qui suffoque, au fond, devant la perte de ses repères traditionnels et de ses valeurs.

Aux yeux de bien des intellectuels, notre société Juste pour rire aurait, après avoir écarté la religion, développé un nouvel «opium du peuple» (pour parler comme Marx) chèrement payé et largement distribué sur les ondes des médias publics.

L'art de révéler

Mais est-ce la seule façon d'aborder le travail de nos humoristes? Tâchons de voir les choses autrement -- ce que plusieurs humoristes, à l'instar d'autres artistes, nous permettent bien souvent de faire, d'ailleurs. En effet, l'un de leurs stratagèmes ne consiste-t-il pas à décrire une chose le plus honnêtement du monde afin que, confrontés à la réalité nue, à cette réalité que nous couvrons journellement de belles illusions et de pieux mensonges, d'un trait, cette chose se révèle dans sa vérité?

Wittgenstein disait dans ses Investigations philosophiques que les choses les plus difficiles à voir sont celles qui sont le plus près de nous: «Les aspects des choses les plus importants pour nous sont cachés à cause de leur simplicité et de leur banalité.» L'art de révéler se pratique de multiples façons. L'une d'entre elles est la musique, l'autre, la poésie, l'autre, la sculpture; enfin, il y a l'humour aussi, souvent plus méchant, souvent mordant.

C'est une des choses que Georges Bataille (1897-1962) a très bien vues. Son oeuvre hétéroclite, écrite principalement durant la Seconde Guerre mondiale, présente le parcours désordonné d'un être qui se découvre sans buts ni valeurs intrinsèques, dans un monde sans Dieu et dépourvu de sens. Un monde vide et absurde, donc, où l'être humain parvient à survivre grâce à ses croyances, à ses ambitions, à son esprit de sérieux et généralement à toute sa prétention à la suffisance.

Mais, malgré tous ces efforts, le vide demeure et le rire surgit inévitablement, constate Bataille, chaque fois que transparaît l'insuffisance fondamentale derrière cette prétention à la suffisance. Voilà ce que révèle le rire, au fond.

C'est ainsi que nous rions d'un ministre très sérieux qui échappe un gigantesque lapsus, révélant du coup que toutes ses pensées ne sont pas, contrairement à ce qu'il aurait voulu laisser entendre, au service du bien public. Nous rions aussi de la mèche rebelle d'un professeur mi-chauve dont le sérieux semblait nous assurer que rien n'échapperait à son contrôle.

Georges Bataille a peut-être exprimé mieux que quiconque cette profondeur paradoxale du rire: «Si je tire la chaise... à la suffisance d'un sérieux personnage succède soudain la révélation d'une insuffisance dernière (on tire la chaise à des êtres fallacieux). Je suis heureux, quoi qu'il en soit, de l'échec éprouvé. Et je perds mon sérieux moi-même, en riant.»

Sur la scène de l'humour, cette attitude est illustrée à merveille par Martin Matte, dont l'un des personnages est un être prétentieux et suffisant à la limite du sérieux, mais avec juste assez d'expressions caricaturales pour bien révéler l'insuffisance, la vanité même de son personnage et du type de personnes auquel il renvoie.

Cesser d'être sérieux? Ce n'est pas ce que dit Bataille: il affirme seulement que l'existence humaine est partagée, qu'on le veuille ou non, entre l'absurde et le sérieux: «[L'homme] est comique à ses propres yeux s'il en a conscience: il lui faut donc vouloir être comique, car il l'est en tant qu'il est l'homme.» Le rire est en quelque sorte un point où l'absurde et le sérieux se révèlent simultanément, pour un instant.

En ce sens, on peut dire avec Bataille que le rire exprime de façon privilégiée la condition humaine. Doit-on alors conclure que l'homme comique -- celui qui est capable de rire de lui-même, de révéler sa fragilité, de relativiser le sérieux de ses prétentions -- est plus authentique? En tout cas, il est plus sympathique.

Même Jean Charest a eu un regain de popularité quand il a commencé à se prêter plus fréquemment à l'autodérision (en participant occasionnellement à l'émission Infoman, de Jean-René Dufort, par exemple), ou encore lorsque, devant une bonne partie de ses électeurs à la dernière émission de Tout le monde en parle de l'année 2008, il a ri de ses propres défauts (la journaliste Chantal Hébert devait en effet lui trouver un défaut politique -- «son côté buté» -- qu'il a admis sans rechigner et même en riant, disant qu'il allait tenter de ne pas recommencer...).

Si l'on tire les conséquences de ce qui précède, on peut affirmer que le rire témoigne d'une liberté qui est authentiquement démocratique tant que l'arroseur peut être arrosé. Une société capable de rire d'elle-même (et Dieu sait si c'est le cas du Québec avec La Petite Vie, Broue, etc.) est plus saine sur le plan démocratique que celle qui n'a pas d'humour.

Une confrontation avec l'Autre est possible, parce qu'on ne se considère pas soi-même comme le dépositaire de la vérité. Ceux qui ne rient pas rêvent de censure et sont fondamentalement intolérants, voire fanatiques. Le fanatique, qu'il soit religieux, athée, de droite ou de gauche, vit sous le poids d'un idéal qui laisse bien peu de place à la légèreté du rire.

Mais cette légèreté du rire ne comporte-t-elle pas à son tour un risque: celui de ne plus rien prendre au sérieux et d'imposer un état d'esprit de nonchalance?

Car, en effet, même si l'un des heureux effets du rire, nous dit Bataille, est d'unir les personnes qui rient en faisant passer «en elles un courant d'intense communication» où «chaque existence isolée sort d'elle-même», rien n'assure que cette «intense communication» puisse être à la base d'un projet de société sérieux ou de quelque visée productive que ce soit; le plus souvent, d'ailleurs, le rire liera la communauté un seul instant, au mieux une soirée -- passée dans la salle de spectacle d'un humoriste, par exemple.

L'intensité que partageront les rieurs sera en quelque sorte dilapidée, comme une pure dépense, une jouissance ou un luxe, et il ne restera pas grand-chose de sérieux après avoir ri, si ce n'est d'agréables souvenirs.

N'empêche que l'esprit de sérieux présente aussi un risque: qui est sérieux est englué dans le présent et se montre parfaitement incapable de sortir de lui-même pour rire un bon coup, rire de ses tracas quotidiens dont l'inanité se révèle à la lumière de problèmes autrement plus profonds, tels la mort et la naissance.

Au contraire, qui a vu le tragique de l'existence affronte ensuite les tracas quotidiens avec légèreté et souplesse, guéri à la fois de sa nonchalance et de son importance, de son statut de personne «affairée». Car la profondeur n'est pas sérieuse, mais légère -- c'est une grande découverte de Nietzsche, à qui Bataille doit d'ailleurs beaucoup.

L'éducation et la culture

Faut-il alors bannir les intellectuels de la Cité et les remplacer par des humoristes? Évidemment non! Le comique dont il est ici question est une attitude et non une profession.

Certains intellectuels sont en ce sens comiques parce qu'ils ne font pas sentir que leurs connaissances et leur compréhension du monde les rendent invincibles; par ailleurs, un humoriste faisant du mépris et de la bêtise un métier aussi sérieux que lucratif n'est pas comique au sens où nous l'entendons.

Bien sûr, ce n'est pas pour un humoriste brutal et vulgaire qu'il faudra condamner tous les autres -- pas plus que pour un intellectuel imbu et arrogant...

Mais si l'humour manifeste la santé démocratique d'une société, n'oublions pas que ce sont l'éducation et la culture qui fondent et fortifient cette démocratie. Espérons que le Québec, qui rit beaucoup, s'en souviendra...

20.5.09

Hamidou Diop, le prochain épisode surprise

Hubert Aquin nous a légué des romans parmi les plus riches et novateurs de la littérature québécoise : L’Invention de la mort, Prochain Épisode, L’Antiphonaire, Neige Noire, entre autres. Mais il ne devait sûrement pas penser que sa légende se poursuivrait dans une bande dessinée!

C’est le pari qu’ont pris Simon Bossé et Éric Simon lorsqu’ils ont écrit Hamidou Diop, une bande dessinée publiée chez Mécanique générale (mais ce semble être sur le site de Front Froid que ça se passe vraiment...). Hamidou Diop, c’est l’agent secret wolof qu’Hubert Aquin laisse en plan dans un hôtel, près du lac Léman, en Suisse, dans le roman qui l’a fait connaître, Prochain Épisode.

Hamidou Diop, c’est en quelque sorte ce «prochain épisode». L’esprit paranoïaque d’Aquin y est superbement repris par Éric Simon, alors que le personnage principal de la bande dessinée, monsieur Haberstich, puis Patrick Burns, puis à la toute fin de la B.D., H. de Heutz, agent de la GRC ayant pour couverture un poste de professeur à l’Univesité de Bâle, est sommé par la Source de retrouver Hamidou Diop, dissipé dans la brume de la Suisse alémanique. Mais rapidement, Haberstich/H. de Heutz s’imagine que c’est Hamidou qui le pourchasse, et qu’il est maintenant la proie de l’espion wolof.

S’ensuivent une série de scénettes où Haberstich enchaîne combines et stratagèmes pour éviter ses ennemis imaginaires, tandis que la Source, sur laquelle il compte, disparaît et l’abandonne.

Le paroxysme de la paranoïa se dévoile lorsque le Haberstich/Patrick Burnes/H. de Heutz ressasse un épisode qui lui est arrivé 20 ans plus tôt, à Varsovie :

« Je me remémorai alors cet épisode survenu vingt ans plus tôt à Varsovie, alors qu’il m’arrivait régulièrement de découvrir de singuliers messages autour de ma porte au retour de mes après-midi de surveillance à l’ambassade américaine. À cette époque, le quartier était la proie d’un gang de voleurs fort bien organisés. Des guetteurs surveillaient discrètement nos moindres allées et venues. Armés d’une craie, ils recouvraient les chambranles des entrées de signes occultes indiquant à leurs collègues que la voie était libre ou qu’au contraire les occupants étaient de retour. La consigne suggérée par les forces policières de Varsovie était élémentaire : effacer du revers de la main, en franchissant le seuil de la maison, toutes ces traces éphémères afin de brouiller les communications. Fasciné par ce système d’une effarante efficacité, j’avais tout de même opté pour une solution plus «expérimentale». En rentrant chez moi le soir, j’entrepris de modifier systématiquement les signes qui entouraient ma porte d’entrée, en supprimant certains pour les remplacer par d’autres de mon cru.

La première nuit, je dormis très peu, à l’affût du moindre bruit suspect. Je me rendis à la fenêtre à trois reprises, chaque fois pour des fêtards éméchés. Je finis par trouver le sommeil. Au matin, je me précipitai au-dehors pour constater l’effet de ma démarche. Certains tracés subsistaient, d’autres avaient disparu, quelques signes encore avaient été ajoutés. Et je n’avais pas été cambriolé. Ce incident marqua le début d’une longue correspondance en symboles indéchiffrables à laquelle je participai pendant plusieurs mois sans jamais en saisir le sens.»

Jeu de pistes, pistes qui ne mènent nulle part, guet-apens, coups de téléphone dans la nuit composent cette bande dessinée délicieuse que je suggère à tous les fans d’Hubert Aquin et de son esprit brillant qui lui a joué des tours à quelques reprises…

Mais le pessimisme d’Aquin («Cuba coule en flamme au fond du lac Léman pendant que je descends au fond des choses) cède la place à des pensées plus sereines («Je rêve d’une retraite paisible au bord d’un lac.») et l’amour pour K, cette femme hors d’atteinte dont le narrateur de Prochain épisode est amoureux, se résume, dans Hamidou Diop, à une seule page où Haberstich reçoit une missive féminine.

La clé de cette B.D. d’espionnage, tout comme celle de Prochain épisode, se trouve dans le déchiffrement, «relativement facile» de «cet amas informe de lettres majuscules écrites sans espacement : CINBEUPERFLEUDIARUNCOBESCUBEREBESCUAZURANOCTIVAGUS.»

14.5.09

Première demi-finale de slam poésie à Québec!

La première demi-finale, c'est déjà la semaine prochaine!

C'est le premier match des demi-finales, des slameurs se démèneront plus que jamais pour gagner la faveur du public dans une compétition amicale, dont l'enjeu consiste à se qualifier (4 slameurs sur 8) pour la finale de la Capitale qui se tiendra en août. Chacun n'aura que trois minutes pour convaincre un jury choisi au hasard dans l'assistance. Le slameur ne peut utiliser que le pouvoir de sa prestation et de ses mots (sans accessoire, ni instrument de musique)… Au Slam de poésie, ce sont toujours les spectateurs qui gagnent !*

Les slameurs :
  • Mathieu Guillaume Asselin
  • Annie Beaulac
  • Denis Belley
  • Louis Desruisseaux
  • Dr Faust
  • Marc Lebel
  • Roger Mariage
  • Véronica Rioux
Slammestre : André Marceau.

Juge de ligne : Pascal Larouche.

Ponctuation musicale : DJ Pistémique.
 
Quand: lundi 18 mai
Heure: Ouverture des portes : 20 h 00
Où: au café-bar l'AgitéE (251, rue Dorchester, Québec).
Combien: 5 $

Arriver tôt, c'est payant : tirage de cadeaux pour ceux et celles qui se présentent avant 20h30.

Une partie de plaisir où les mots, la voix, la bouche et le rythme nous réservent des surprises.

Avis aux poètes : un slam ouvert précédera la partie, venez participer à cette fête de l'oralité (arrivez tôt pour vous inscrire).

Présenté par SLAM cap et le Tremplin d'actualisation de poésie (TAP), chaque Slam de poésie à Québec se tient le troisième lundi du mois, au café-bar l'AgitéE.

Merci à l'AgitéE ainsi qu'à nos commanditaires : Les éditions Cornac, Réserve phonique, Le loup de gouttière, la radio des découvertes CKRL (89,1).

13.5.09

Comment fuguer selon Guillaume Corbeil

« Il n'y avait que pendant cet instant où je n'étais encore nulle part, simplement devant le lieu que je venais de quitter derrière celui que j'espérais, que je profitais d'un répit, parce que la véritable chose de laquelle on cherche à s'éloigner dans la fugue, ce ne sera jamais rien d'autre que soi-même. »

— Guillaume Corbeil

C'est en lisant le dernier numéro du magazine OVNI, dont Mathieu Arsenault m'avait entretenu et que je me suis payé pour mon anniversaire, que j'ai découvert L'Art de la fugue de Guillaume Corbeil dans une entrevue donnée à Bertand Laverdure. Déjà, ça s'annonçait chaud.

Puis, j'ai eu la surprise de trouver le recueil de nouvelles, vraiment par hasard (« il n'y a pas de hasard »), à ma bibliothèque. Way to go. Ça leur arrive de commander des livres cools.

L'Art de la fugue, c'est un hommage au recueil du même nom de J.S. Bach, transposé en courtes nouvelles où sujets et contre-sujets sont exposés en une succession liquide de points de vue; celui d'un homme voulant se tuer débutant la première « variation » (c'est ainsi que chaque nouvelle est nommée, faisant allusion aux variations sur un même thème, celui de la fugue, qui est aussi, dans l'univers de Corbeil, la fuite), alors qu'une femme prend le relais en s'excusant car « je dois aller mourir ».

C'est aussi une éloge du mensonge et de l'anti-biographique:
« La vérité est invisible, et il n'y a qu'en la recouvrant d'un voile de mensonge que nous pouvons en distinguer les formes. On ne peut la voir que si on la cache. L'entendre que si on la tait. Nous ne sommes rien, sinon l'ombre de nos mensonges, et il serait naïf de croire que nous pouvons arriver à nous dire dans une phrase ou dans un texte qui révélerait qui nous sommes. Ce qu'on dit être soi ne sera jamais plus qu'un mensonge qu'on a fabriqué comme tous les autres. Personne ne sera jamais rien de plus qu'un canular sur deux pattes. Ceux et celles qui disent, comme si c'était un grand conseil, de rester soi-même, de ne jamais cesser d'être ce qu'on est et de ne pas changer ne réalisent pas qu'au fond, ils nous invitent à ne plus bouger pour nous taire. À nous coucher sur le dos et à attendre comme ça la mort. Notre personne est une fabrication de toutes pièces. On lui a inventé une histoire, des passions et des phobies, mais tout pourrait aussi bien être différent, et nous, quelqu'un d'autre. Je veux me faire croisé du mensonge, et en prenant les armes s'il le faut, défendre le faux et l'illusion contre tous ces charlatans de la vérité et de l'autobiographique. »

Il y en a sûrement d'autres, mais enfin! un auteur qui ne se réclame pas de l'auto-fiction, ça fait du bien dans le paysage littéraire.

Quoique la mort et la vie, voire la renaissance cyclique, soient des thèmes récurrents, on ne baigne pas dans le morbide, l'humour est souvent sollicité, et l'absurde, constamment interpellé comme un avertissement au lecteur qu'il ne doit pas anticiper la finale mais bien se laisser bercer par les points et contre-points de la narration.

C'est ainsi que suite à la mort d'un milliardaire, les exécuteurs testamentaires ne savent comment exaucer l'un des souhaits du défunt: « Leur plus grand défi consista à définir la couleur qu'on donnerait à la chambre, car après avoir lu et relu le testament, on réalisa qu'on ne pouvait lui donner que la couleur du vide. Arrivé à cette conclusion, il s'agissait de rester assis de longues heures en ne faisant rien, afin de se plonger dans un de ses moments qu'on qualifie d'absence. »

La deuxième partie du recueil de nouvelles, intitulée Le Relais, met entre autres en vedette une ampoule, celle d'un phare, qui s'appelle Ampère V12, et qui explique son monde à travers les 9 caractères qui composent son nom. Là naissent des images surréalistes où comme dans les peintures de Dali, le reflet de l'eau donne naissance à des animaux imprévisibles:

« C'est que dans une obscurité qui aurait été complète, il n'aurait plus existé de frontière entre la mer, le ciel et la terre. Tout n'aurait plus été qu'une seule et même chose, chaotique et monstrueuse. La nuit, sans la lumière des phares pour indiquer là où un monde s'arrêtait et un autre commençait, on aurait pu confondre l'un et l'autre et, au lever du jour, on aurait réalisé que certains oiseaux avaient passé la nuit à nager en se croyant dans le Ciel et des bateaux, à voler en se croyant dans l'Océan. »

Se référant à l'origine du monde, Ampère V12 finit par croire qu'au commencement n'était pas le Verbe, mais bien les phares, et que « le reste avait suivi. »

Et la lumière fut.

La mort et son contre-point, le ciel, la mer et la terre, mais aussi les filiations mère-fils, figurent au cœur des dernières nouvelles du recueil où Corbeil montre avec brio, par des figures de style toujours plus syncopées et parfois alambiquées, comment l'homme s'éloigne de la mère pour fuir l'enfant en soi, tout en le regagnant:

« Il n'avait plus fait qu'avancer, et toujours dans la même direction, droit devant lui, pour que sa mère soit toujours plus loin derrière. Elle était le point d'origine de sa fgue. Et l'horizon, son point de fuite. Il voulait arriver là où ses propres yeux n'arriveraient plus à voir. Là où il ne serait nulle part pour se croiser. Car ce n'était pas elle, au fond, qu'il cherchait à fuir, mais ce garçon qu'il était voué à être jusqu'à sa mort s'il ne partait pas. »

Le coup d'éclat du recueil est sans conteste la quinzième variation où une infirmière, aux prises avec un hôpital ne se désemplissant pas de blessés de guerre, finit par se créer un clone rêvé afin de répondre aux besoins de tous ses patients:

« Lorsque l'envie de dormir la prenait, elle installait un oreiller sur un mur et y posait la tête. Et le lendemain elle reprenait là où elle avait laissé. Pour encore sauver du temps, elle enroula l'oreiller autour de sa tête et l'y fit tenir en l'attachant avec une corde. Chaque fois qu'elle était fatiguée, elle n'avait plus qu'à déposer sa tête sur la première surface verticale qu'elle trouvait pour se reposer quelques minutes. Comme elle ne faisait rien d'autre que d'apporter les médicaments aux patients, les rassurer lorsqu'ils traversaient des moments d'angoisse et les laver, elle se mit à rêver qu'elle apportait des médicaments aux patients, les rassurait lorsqu'ils traversaient des moments d'angoisse et les lavait. Pour arriver à s'occuper de tous ses patients auxquels elle rêvait malgré le temps qui lui manquait de plus en plus, la version rêvée de sa personne s'attacha, elle aussi, un oreiller autour de la tête, et elle aussi, comme elle ne faisait rien d'autre que d'apporter des médicaments aux patients, les rassurer lorsqu'ils traversaient des moments d'angoisse et les laver, elle se mit à rêver qu'elle apportait les médicaments aux patients, les rassurait lorsqu'ils traversaient des moments d'angoisse et les lavait. »

C'est le genre de livre qui étourdit, qui fait sourire et réfléchir, grâce à ses phrases finement ficelées qui partent en une direction, nous surprennent, puis reviennent sur leur pas pour nous rappeler le début de l'énoncé et clore le point par un contre-point éclatant.

Et j'ai presque terminé Logogryphe de Thomas Warton, qui s'inscrit tout à fait dans le même genre du temps cyclique et non linéaire.

10.5.09

La Part Maudite blogue aussi

Le blogue de La Part Maudite, c'est l'oubli du silence glissant dans la région des rondes, des soupirs, la Part Maudite la plus perverse est celle du silence, mot glissant, qui vient mourir comme l'abolition du bruit poétique. Si nous vivons sans conteste sous la loi des sons, ces mélodies sont en nous comme si elles n'étaient pas. Lentement, cette musique se substitue à l'ouïe perdue que seule une prothèse fétichiste et distordue peut faire plaider coupable, vieillissante, croulante, comme le potlatch irrécupérable d'une valse wagnérienne, sacrifiée à chaque temps, à jamais perdue entre les quarts de ton et l'irrésistible envie d'exciter le membre ivoire par une vision d'ébène.

— LeRoy K. May

Get the album! En plus c'est copyleft: copier, modifier, distribuer à souhaits!

1 - Boxer Blood 3:24
2 - Panic Parc 6:36
3 - Asbestos 1:54
4 - Maison des jeunes 3:36
5 - Ladyburn 13:13

Musique par La Part Maudite
Enregistrée telle que jouée / Recorded as performed
Le 5 avril 2009
Centre-sud - Montréal

Philippe Battikha - Trompette & effets
Patrick Dion - Drums
Mivil Deschênes - Bass & effets

Merci à Yves St-Laurent !

L'enregistrement original a fait l'objet d'un tirage
sur cassette audio limité à 100 exemplaires
Avec Dios Mio! en face B

Original recording released on cassette
With Dios Mio! on face B
Limited to 100 ex.

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Mp3 - 392 kps
Copyleft - 2009 - La Part Maudite

» Téléchargez l'album GRATOS / Download the album FREE

5.5.09

Slam 2.0

1-2-3 réunion
on n'avait plus de p'tits crayons
4-5-6 conférence
garde la ligne ya d'l'interférence
7-8-9 webcast
tu fais pas partie d'not' caste
10-11-12 tout l'monde bouge
owèye bouge ton brain bouge!

Part I

1. t'as décidé de t'exposer / moitié nue à Honolulu
2. t'as uploadé tes photos / sur un site même pas porno
3. mais t'as oublié de lire les conditions d'utilisation
4. tu fais maintenant la promotion / d'un site de chat a'c tes tôtons
5. ton désir d'instantanéité / l'affichage de ta banalité
6. se perdre dans ta futilité / montre ton imbécillité
7. que tu te fasses berner / comme Maxime Bernier
8. s'est fait couillonner par Couillard c't évident c't insignifiant

1. s'il fallait que tu rédiges / une charte de vie privée
2. écrite en p'tits caractères / pour de ma liberté me priver
3. il faudrait que tu m'affliges / comme la Vénus Callipyge
4. que par en avant par en arrière / tu me prouves ton savoir-vivre
5. pour kossé faire c'pas d'tes affaires / pourquoi tu fouilles dans mes tiroirs
6. ma vie privée mon jet privé / c'est pas le reflet de ton miroir
7. et la terreur dans tes yeux / comme un voeu pieux un nouveau jeu
8. n'a d'égal que ton exhibitionnisme crasseux et poisseux

Part II

1. t'as voulu participer / à une téléréalité
2. te disant que c'était le fame la gloire le cash assurés
3. pour des années à t'branler / a'c tes chums aux cellules brûlées
4. pendant que le reste de la plèbe / boit sa Molson à ta santé?
5. ton arrogance de phat ass / s'affiche sur le cover du Lundi
6. quand tu exposes ton fat ass / dans un bikini ben trop p'tit
7. tes répliques mièvres, fadasses / en widescreen live à Loft Story
8. me laissent de glace, me glace les sangs, j't'envoie du fanmail de vomi

1. pis là tu m'trouves rough / tu trouves que j'exagère
2. tu trouves que chus trop tough / avec la blonde de ton beau-frère
3. comme si Andrei Markov / slappait un plomb dans son derrière
4. pis qu'on y disait fuck off / montre donc tes boules pour vendre d'la bière!
5. mais non mais là, cum'on! / arrête de faire ton hypocrite
6. tu regardes le show jour et nuite dans l'espoir d'la voir sucer une bitte
7. et de la regarder / get it on / dans l'sauna qu'elle attrape des bibittes
8. pis qu'après tu puisses te vanter de savoir où est-ce qu'elle habite

Part III

1. t'es loin d'être exceptionnel / ça t'fait l'effet d'une douche froide
2. t'es comme les rois d'Israël / qui joue à la chasse a'c les Arabes
3. ton trip c'est de te foutre à poil / mon coeur ma tête restent de marbre
4. ton univers consensuel / pour moi c'est un gros char de marde
5. ta connerie universelle / est séduisante comme une charade
6. où les lutins du Père Noël / se transforment en pin-ups Aubade
7. où les So you think you can dance The Next Pussycat Doll
8. Pimp my car Mes vieux tout neufs et autres lofteuses me rendent malades

1. j'en ai assez d'notre apathie / de notre paresse culturelle
2. de notre suffisance pythique / de nos superstars de poubelle
3. de notre absence de sens critique / de nos chansons à l'eau de vaisselle
4. not' simplicité cathodique / j'espère / n'est que conjoncturelle
5. mon arsenal de rimes fat / te coupe l'herbe au niveau de la cheville
6. pendant qu'tu t'roules un gros bat / mes deux poings se recroquevillent
7. pour écarquiller tes billes de rate / pendant que tu te démaquilles
8. mon slam est un échec et mat / à l'art dont tu es la béquille

4.5.09

L'Ère de glace sera Koriass

J’vois la mort, la misère, les efforts, les civières
Et le sort d’un gars qui pleure sur le corps de sa mère
J’vois l’alcool, les verres, les bars, un père
Qui est pas là, qui laisse sa famille chaque soir pour sa bière
Assis sur un banc d’parc, j’regarde le monde qui marche
On prend soin de bien s’habiller, de soigner son image
Mais, je vois le trac dans les visages,
On s’déplace sur la planète en zig-zag
En sachant qu’ça va éclater dans nos faces
-- Koriass