5.4.08

Le Carême sera copyleft ou ne sera pas

Ce texte inclut des parties de Kadavreski et L’Or Sujet, première-
ment publiés sur Critical Secret, puis dans Une Histoire Vraie.


Article 45 b, Verset IV

Elle lui retire doucement sa soutane, tâtant au plus près de la rétine le paysage défiguré par les caténaires, évaluant de lointaines possibilités de faire une troisième victime.

« Rendez-moi ma soutane! J’ai froid! » cria-t-il, trouant l’air.

En plein mois de charge de l’orignal épormyable, alors que le refus global était censé s’être pointé le nez et que plutôt, ganté comme les léopards d’outre-Antarctique, Leroy se dandinait à l’extérieur de la Nouvelle Cathédrale de Breston, imaginant un beat hip hop et quémandant la chaleur humaine et le savoir-vivre, moins quatorze degrés sous le soleil violacé... Il préférait la froideur des garde-à-vous aux délicatessens ouverts 24 heures sur 32, quoique le temple, où la fauve assassine, le préoccupe presque autant que le voyeur effondré sous les décombres d’une chtouille.

Il la voyait lui arracher ses fringues comme on palpe le foie de ceux qu’on aimerait trucider, des figues, des visages et dévalués comme les neurasthéniques de Reggie : concrétisera-t-elle le troisième meurtre, celui qui la ferait peut-être entrer dans la légende, si au moins quelqu’un s’intéressait à elle. Leroy, lui, s’y intéresse. En fait, il ne s’intéresse qu’à elle. L’édifice avait sûrement plus ou moins un siècle (ou même moins) : il s’en contre-crissait.

Article 90 a, Verset I

Nord-Vegas n’est plus et Dick renaît de ses cendres, comme Montréal éteint ses feux aux mille clochers. Les Bleus se vendent à l’emporte-pièce, comme les flèches de tout bois et les mains mortes de Johnny, de Reggie les Mille-Milles et les profondeurs du lac Léman.

Le phénomène de la résurrection, depuis longtemps banni par le Temple des temples, avait pourtant réussi à subsister et à s’immiscer entre les lèvres de la vendeuse de blues, qui hurlait se démomifiant :

Well you’ve heard about love giving sight to the blind
My baby’s love’s like the sun that shines
She’s my sweat little thang
She’s my pride and joy

En rebootant sa database

En rebootant sa database, surgit un flash dans l’esprit de Dick : il avait oublié de soumettre ses cadavres à leur résurrection mensuelle! Du coma ressurgirent les macchabées, désarticulant leurs membres comme le train passe la gare et part en vacances : va pour le Vatnajokul.

Sa chaloupe était étroite mais robuste ; les ex-vivants se crevaient les yeux en se tordant de larmes et Dick pensait à Elle en sifflotant :

I got the blues about miss so and so
but miss so and so ain’t got the blues about me

Il la voyait, elle lui retirerait doucement sa soutane, tâtant au plus près de la rétine le paysage défiguré par les caténaires, évaluant la possibilité lointaine de concrétiser le troisième meurtre, celui qui la ferait peut-être entrer dans la légende, si au moins quelqu’un s’intéressait à elle. Leroy, lui, s’intéresse à elle. En fait, il ne s’intéresse qu’à elle. L’édifice avait sûrement moins d’un siècle : il
s’en contre-crissait.

Le prêtre

Le prêtre, ébaubi, n’en pouvant plus de prier en cachette qu’une demoiselle entrasse, fit le bond lorsque Brigitte et Lanoline se précipitèrent dans le confessionnal. Toutes deux vêtues de pas grand-chose, elles signifièrent au prêtre (moribond) que les trois pucelles du quatrième vitrail les faisaient se tortiller d’impatience de se faire empaler, prestement.

Le prêtre (le Frère Giuseppe) se vit dans l’obligation de les confesser, prestement, car le désir qui l’envahissait ressemblait aux attentats suicides du Hamas.

Explosé dans sa plénitude, rejoindre le Très-Haut dans sa magnanime générosité, il le convoitait avec remord ; surgir comme la balle de 12 dans la chair tendre mais flasque des traînasses, il ne pouvait plus s’en contenir, et comme le revolver pointant en sa direction était chargé, il décida de faire l’inverse.

Dans ces moments

Frère Giuseppe revoit le visage de son père (prêtre lui aussi), un homme fort de foi mais toujours prompt à la turgescence. Il aimait à deviser le dimanche avec ses paroissiens et ponctuait souvent ses discours par «Moïse avait son bâton sacré, mais par la Madone, je ne l’échangerais pas contre celui-ci!» Et il en faisait palper à ces dévotes qui s’inclinaient de béatitude. Mais elles priaient Sainte-Barbe qu’il ne lui vint pas l’idée de le leur flanquer au derrière. Un jour, il avait dit à son fils: «Tu seras prêtre, car il n’est d’acte plus béat que la virile absolution...»

«L’aube tient ses promesses», se dit Frère Giuseppe, y repensant.

Les mamelles de Tirésias

Les mamelles de Tirésias expulsent leur miel comme le lait s’écoule du pis de la moissonneuse-batteuse. De pucelle, Lanoline ne retint que les états archi-primaux d’une époque lointaine et révolue, comme la pluie sous un arbre de cendre. Le 12 brûle comme le soleil à 28 degrés, mais Frère Giuseppe, débraguetté comme il se doit, ne
peut plus se fier à son paternel et relègue ses pensées à l’instinctif, au divin. La petite porte du confessionnal, laquelle il avait commandée par caprice (honte à lui), lui venait en aide alors que Lanoline se dégrafait pour mieux recueillir les récoltes.

Dans ces moments, Frère Giuseppe revoit le visage de sa mère, barbouillé de crème à raser. Il s’applique à se souvenir de sa poitrine ronde et ferme comme le chapiteau du Cirque de la Lune. Prompte à l’amour multidirectionnel, sa mère, Léola, manifestait une autorité superbe en ce qui concernait la turgescence légendaire de feu son
mari.

Elle se donnait à cœur joie des coups de crosse ecclésiastique, pendant que son fils, s’amusant d’une boîte de mouchoirs et de cotons tiges, urinait sur ses strings qu’elle humectait avec un confus manque de retenue.

En l’honneur de la Madone, les dévotes, pratiquant les chants du dimanche, chuchotaient bruyamment dans l’espoir de distraire Frère Giuseppe qui, de plus en plus ému par sa propre tuméfaction, se laissât aller dans des avenues légères et montagneuses.

«The Truth Is Out There», se disait Frère Giuseppe, caressant sa progéniture morte-née.

Un groupe de pèlerins

Un groupe de pèlerins était venu de très loin pour adorer la relique. Entendant cogner et gronder dans le confessionnal, ils se dirent:

«C’est Saint-Michel qui terrasse Belzébuth! », et ils s’agenouillèrent en se signant.

Le vicaire, gêné, se tourna vers les dévotes et leur fit entonner un cantique:

– Some of those that were forces...

Accompagné par l’orgue:

– Are the same that burn crosses...

Frère Giuseppe goûtait la féminité de Lanoline et, de sa langue, lui chatouillait le ténia. Elle, renversée à même la bure, tendait ses jambes vers l’azur.

– Some of those that were forces...

Le vicaire chantait, les paumes tournées vers le ciel:

– Are the same that bore crosses...

Repris en soprano par la pieuse chorale:

– Killing in the name of!

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