20.3.06

Le fantasme de Sylvano

Love me tender, love me trou...

Green Like a (.g)love

La vert vous va à ravir, vraiment?

Marie-Dieue reprend du service

La deuxième vie de Marie-Dieue sur Merdre.

14.3.06

Une Grosse Tabarnak

En sortant d'la job. Deux jeunes hommes sur le trottoir. Le premier s'allume une cig. L'autre à l'air complètement ailleurs, une longue journée de travail vient de se terminer à l'usine.

-Quoi new, man!

-Ché pas, not much.

-Moé, me su acheté une nouvelle tivi. Tsé les grosses tabarnak, 100 pouces, écran ACL, haut parleur 1000 watts dolby, surround. J'capote, el'vraiment hot.

- Combien ça t'a coûté.

- Man, pas besoin de les payer. Genre acheter maintenant, payer dans 36 mois.

-... Acheté maintenant, soyez endetté quand ça vaut pu rien... Pis, t'es émissions sont-tu meilleures? Le Canadien joues-tu mieux? A l'as-tu des plus gros tôtons? Mongrain as-tu plus raison? T'habites pas chez ta mère toé?

-Oui, je l'ai mis dans ma chambre. Ma mère trouvait que c'était trop gros pour le salon.

-Pis

-Pis là, ben je dors dans le salon parce que mon lit rentre plus à cause de ma nouvelle tivi.

-Ah ouain.

-Mais, c'est pas grave, je dors presque pu parce que j'écoute tout le temps la tivi. Mon bus va arrivé, s'lut man.

-T'as pas d'char?

-Ben non, pas d'argent pour ça.

13.3.06

Itinérances

Cassé comme un clou
Belle expression

Sentez-vous ben à l'aise
Parlez-vous français?
Je suis itinérant
Je dors à l'Accueil du Père
Je suis nourri, lavé
J'ai chaud

On me demande 3$
Sentez-vous ben à l'aise
Je demande aux gens
   de donner ce qu'ils
      peuvent
Je suis pas un voleur

On se regarde on se console
On se compare on se désole
T'as pas de carte de crédit
T'as des enfants
Faut les nourrir, les vêtir
Ils peuvent pas aller à
   l'école tout nu!
Faut ben qu'il deviennent
   des bons citoyens
Pas des bons à rien
Tu veux pas qu'ils volent
   des chars pis des
      vieilles bonnes femmes
Faut les élever responsables
   honnêtes pis travailleurs

Quand y a pu moyen de
   moyenner
Faut trouver un moyen
Faut gratter ses poches,
   ses plaies
Faut tourner le fer dans
   le fond du tiroir
Économiser, partir
   dans le Sud
Boire de la Téquila pis
   du Rhum sur le dos
      de l'État
Faut être fonctionaire
   syndiqué, employé
Faut être comme tout
   le monde parce que le monde
      est malade

Une mémé qui conduit une hybride
Un moins vieux en pick-up
   avec sa femme, sa maîtresse

Parlez-vous français?
Ben sûr!
Il me manque 1$ pour
   dormir à l'Accueil
Désolé, bonne chance!

Cassé comme un clou
Belle expression
Jamais aussi cassé
   que le gars qui
      quête coin Berri/Maisonneuve

On n'ose pas se comparer
   de peur de se consoler
Le quêteux calle les taxis
   et espère un pourboire
Il ira à l'Accueil se
   réchauffer, manger, dormir
La paix pour une soirée
Demain, on recommence

On habille nos enfants
   en Gusti pour pas qu'ils
      gèlent l'hiver
On achète les tuques pis
   les mitaines en double parce que
      c'est sûr qu'ils vont en
         perdre

On paye nos factures
On essaie d'arriver

Y en a d'autres qui se
   les gêlent parce que t'as rien
      donner

Crisse de vie sale
C'est comme ça
Bonne soirée là
   Bonne soirée

6.3.06

Francisco J. De La Costa

Marcel Duchamp, King and Queen Surrounded by Swift Nudes, 1912En 1918, lorsque Marcel Duchamp quitte Paris pour l'Argentine afin de se consacrer à l'étude des échecs, il ne sait pas qu'il rencontrera un adversaire de taille en la personne de Francisco J. De La Costa. Ce grand maître de l'école argentine moderne, dont les pupils comprenaient Jacobo Bolbochan (champion argentin en 1931 et 1932), Damián Reca (champion argentin en 1921, puis de 1923 à 1925) et Roberto Grau (champion argentin de 1926 à 1928 puis en 1935 et 1936), montre à Duchamp l'art du sacrifice qu'il maîtrise déjà mais que les leçons de De La Costa amplifient en subtilité, en sauvagerie. Comme terrain d'entraînement, il préconise l'Italienne (Giucco Piano) qu'il agrémente de variations inextricables, comme Beethoven module du La mineur au Mi bémol majeur en quelques mesures endiablées, précurseur du jazz qu'écoute Duchamp sur le paquebot qui lui fait traverser l'Atlantique.

Il transforme l'ouverture classique:

1. e4 e5
2. Nf3 Nc6
3. Bc4 Bc5

en:

3. Bb5 ...

ouverture qu'Alekhin reprend à son compte lors du Championnat de Russie de 1927, année au cours de laquelle il est sacré champion du monde.

Au cours de leurs expérimentations tactiques se développe une franche camaraderie arosée de yaruba mate (cette herbe que l´on laisse infuser dans de l´eau chaude, que l´on sucre ensuite à son goût) et de Xérès. À l'instar des expériences avec l'éther des surréalistes français, les deux amigos baignent dans un océan d'alcool et d'hallucinations, ils baptisent leur nouveau drink le Parisian del Sur, lequel ils versent abondamment lors de tournois informels de Buenos Aires.

Le commerce est florissant. Alors que De La Costa veut faire goûter à toute l'Amérique du Sud leur nouveau délice liquide, Duchamp s'obstine à enregistrer le nom, puis à breveter l'«invention». Duchamp se heurte alors à l'administration argentine qui n'entend rien au jargon de ce gringo européen. Au Bureau d'enregistrement des Breuvages Alcoolisés, Duchamp fait la file, remplit des formulaires, soudoie des greffiers, des ministres, et demande même audience devant le président argentin, Hipólito Irigoyen. Ce dernier l'accueille avec enthousiasme, les voyageurs français visitant de plus en plus le géant d'Amérique latine.

«Votre idée me plaît bien, Marcel. Je vois en votre invention une excellente façon de valoriser la relation entre nos deux pays, d'en apprendre plus sur nos nations respectives.» Ces paroles du présidet argentin résonnent comme de l'or aux oreilles de Duchamp qui s'empresse de rapporter la nouvelle à De La Costa.

«Notre président use de ta naïveté, mon ami. Ne vois-tu pas que derrière cette idée d'union se trame le profit du capitalisme, l'essor d'un marché sauvage qu'il prendra à son crédit et qu'il t'abandonnera dans les pampas? Je t'en prie, amigo, oublie cette idée.» Duchamp, dépité, relance son ami: «Jouons une partie. Si je gagne, j'exploite l'idée avec toi. Si je perds, je n'en fais rien.» Et c'est ainsi que le match du siècle entre deux amis décida du sort d'une boisson aux vertues inimaginables.

Bon joueur, De La Costa laisse Duchamp prendre les Blancs. «Parfait» se suffit de dire le Français. Les deux joueurs choisissent de jouer sans horloge. Le bruit cours dans Buenos Aires qu'un grand match se prépare. «¡Andarre compadres, señores Duchamp y De La Costan jugarán la partida de ajedrez la famosá mas!»

Jacobo Bolbochan, Damián Reca et Roberto Grau assistent au match et commentent en arrière-plan chacun des mouvements des deux ténors. «¡Creo que Duchamp prevalecerá fácilmente!» affirme Bolbochan. «¡Impossible!» s'écrie Reca. «De La Costa está el orgullo de nuestro país, ¡el atropellará el Francés!»

La tension monte, les deux joueurs sont concentrés malgré le chahut des spectateurs qui ne respectent pas les lois non écrites des échecs. Silence dans la salle. On joue!