C'est un beau désennui, comme le disait la regrettée Fern.Fern, c'était ma grand-mère que j'aimais j'aime j'aimerai beaucoup. En lisant cette ligne toute simple, je me suis senti poussé de retrouver des poèmes qu'elle avait écrits pour mon fils. Mais ça doit se trouver dans une boîte d'archives et je n'ai pas cherché plus loin.
Fern's Last TrainJ’aimerais vous parler de Fern, parce que c’est comme ça que je l’appelle, pas Fernande, grand-maman passe encore. Lorsqu’elle rencontre mes amis, je la présente en tant que Fern. Ça fait rire mes amis. Ma grand-mère est cool, c’est ce que mes amis me disent et c’est ce que je pense aussi.
Ma grand-mère est musicienne. Oui oui je vous jure. Elle a composé une pièce atonale avec un chapeau et des bouts de papier. Mon grand-père l’a aidé. On a écrit un numéro de 1 à 10 sur une feuille qu’on a découpé, puis on a mis les numéros dans un chapeau. Ils ont pigé les numéros 4 fois, ça a fait 4 séquences de 10 notes. Puis je les ai enregistrées. Ça jouera jamais à radio. Mais ma grand-mère est musicienne.
Fern est une grande joueuse de cartes. Paquet voleur, 500 (coeur atout), rummy, 8, romain 500. Mais sa spécialité c’est les dames. On joue souvent à un jeu ou le but c’est d’avoir le plus petit score possible. Quand t’as 0, c’est exceptionnel. Si t’as 4 dames, t’as 0. Ça lui est arrivé une fois. Ça dû m’arriver 500 fois.
Fern aime quand on va chez Eaton au 5e étage. C’est son étage préféré, celui des jouets. Y a des bonhommes de Star Wars, des LEGO, des trains. Elle m’en achète un et on va manger au delicatessen à côté. Du bonheur en canne. On a écumé les delicatessen ensemble: Place Newman, Place Lecavalier, LaBaie, Simpson, Eaton: you name it on est allés.
Quand Gerry est parti chauffé son taxi au ciel, elle est restée forte, stoïque. Mais une partie d’elle était déjà rendue en haut. C’était tout un numéro, ces deux oiseaux-là. Fern, explosive, Gerry, le sourire en coin. Fern, généreuse, Gerry, espiègle. Dans ses derniers milles, Gerry est devenu un comique pas possible. On l’appelait le renard argenté. C’était absurde et ça nous faisait rire.
Il y a un an et demi, j’ai eu un gros blitz musique: j’ai composé 6 chansons en un mois et demi. La dernière que j’ai composée c’était pour elle. À l’époque il n’y avait pas de titre, maintenant il y en a un: Fern’s Last Swing. Je vous la jouerai, un jour.
J’ai aussi terminé la traduction d’une nouvelle que j’ai écrite, Le Blues du trentenaire fini (Thirty-Something Blues). Je me suis rendu compte que mon blues de 30 ans devait ressembler étrangement à son blues de 80 ans: l’impression d’être en maudit après tout le monde et ne pas trop savoir pourquoi, les autres nous regardent, bizarre, comme si on était des Martiens, une violence qui doit sortir et qui se heurte malheureusement à ceux qu’on aime. Bref, je l’ai traduite en sa mémoire.
J’aime ma grand-mère, comme elle est: drôle, autoritaire, l’oeil un peu hagard, tough, grande narratrice devant l’éternel. Je n’aurai jamais réalisé un des projets que j’avais avec elle: l’enregistrer racontant des histoires. La vie est courte: ne reporte pas à demain ce que tu peux faire aujourd’hui.
J’aimerais terminé avec la chanson qu’elle me chantait quand j’étais petit. Merci à Henri Chapron qui m’a gentiment fait parvenir les paroles par Internet:
Déjà le jour s’éteint l’ombre couvre la terre
Dormez petits enfants, dormez voici la nuit
C’est l’heure du repos l’heure de la priére
Allons ne faites plus de bruit.In Fern we trust, others pay cash: Née le 30 décembre 1919, décédée le 3 août 2006.
2 comments:
Ouin. C'tait beau ça.
thx, faudra que je visite la cour à scrap bientôt :)
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