30.5.07

Ville de M. — Jakeza

Jakeza est une femme méthodique. Chaque matin, elle se lève à 6 heures, prend une douche, lave ses cheveux. Avant que la douche ne coule, elle a préparé le café qui s'infuse dans la cuisine ce qui parfume la maison d'un arôme d'arabica corsé.

Ensuite, elle réveille les jumelles qui grommellent que la nuit a été trop courte, que les voisins ont fait du vacarme toute la nuit alors que Jakeza et moi-même n'avons rien entendu. Néanmoins, les filles sortent de leur lit tandis que je m'étire au son de Bach, Mozart ou Vivaldi, selon ce que l'animateur vedette de la radio d'État aura décidé de faire jouer pour que nos rêves s'évaporent alors que le cadran sonne et met un terme à notre « autre vie ».

— Bonjour!

Le bonjour de Jakeza est toujours le même, moitié jovial, moitié chantant, alors qu'elle tire les rideaux pour m'extirper à mes rêveries.

— T'as bien dormi?
— Comme dab, comme une bûche.
— Les filles sont debout?
— Elles mangent leurs céréales.

C'est ce que j'aime de vivre avec une femme dont les habitudes sont réglées au quart de tour. Cela me permet de vagabonder entre deux sommes d'une nuit trop courte, dont la moitié a été passée devant l'ordinateur à peaufiner mon dernier article pour un magazine féminin, ou ma plus récente nouvelle érotique pour un trimestriel obscur, toutefois bien édité.

— T'en es où dans tes écritures?
— Bof. Ça avance. Il fait beau. Je pense que vais aller écrire sur le bord du fleuve. J'aime écrire avec la brise marine qui me chatouille les poils de narines. Les filles ont du volley-ball ce soir?
— Oui
— On se tape des sushis sur la main à 17 heures?
— Si tu veux.

Les filles jouent au volley-ball depuis notre arrivée dans la ville de M. Elles sont grandes, athlétiques. L'une est centre, l'autre est ailier. Elles font des ravages sur le terrain, ce qui leur a valu le surnom de Jap Killers.

***

Jakeza est une femme méthodique. Elle sait que je ne tolère pas de conduire plus d'une heure consécutivement. C'est pourquoi elle prend toujours le volant lorsque nous partons en voiture plus de 60 minutes. En fait, je déteste conduire.

Que j'aie été surpris lorsque je me suis réveillé dans l'auto ne m'étonne qu'à peine. Je m'endors tout le temps et mes rêves traitent toujours de mythes grecs, de sexualité déviante ou de catastrophes routières dignes de Canal D. Puis, lorsque je m'éveille, je pense souvent que j'étais au volant, que les filles manigançaient un coup pendable, ou que Jakeza était aux prises avec un patient névrosé.

— Je suis content qu'on ait quitté Alcibiade.
— Moi non, le problème, c'était pas la ville, c'était ma job.
— Ouin, c'est pareil.
— C'est pas pareil. Des fous, des névrosés et des pervers, y en a partout. Il y en aura autant à M.
— Mais non, y a moins de monde à M. Statistiquement, l'objet du désir de tes tarés devraient être plus ciblé.
— Tu serais surpris.
— Peut-être. Je vais mettre un actuaire là-dessus.
— Un actu quoi? dit Nokäa qui ne tolère pas de ne pas connaître la signification d'un mot.
— Un actuaire, c'est quelqu'un capable de te sortir un chiffre pour tout. Le pourcentage de voleurs nés à l'extérieur du pays, la quantité de glucides dans un pain tranché, le nombre d'avocats, en moyenne absolue, qui défendent les compagnies d'assurance. You name it, they got a number for you.
— Wow, spécial, rétorque Naoko, soudainement arrachée à son poème fleuve.
— On arrive bientôt? enchaîne Nokäa.
— Bientôt schtroumpf à lunettes, bientôt, répond Jakeza, les yeux fixant les 30 derniers kilomètres qui restent à franchir pour rejoindre la ville de M.

28.5.07

Ville de M. — L'Éveil

Lorsque j'ouvre les yeux, je réalise la situation particulière dans laquelle je me trouve : je ne suis pas au volant, je suis assis inconfortablement sur le siège passager et j'ai renversé mon café froid sur mon jean.

— J'ai dormi?
— Comme un bébé, répondent les filles en chœur.

J'esquisse mon plus beau sourire dans les circonstances et je regarde nostalgiquement par la fenêtre. Adieu Alcibiade, ville de mon enfance, nous nous reverrons lors des fins de semaine de trois jours et des vacances de Noël.

N'empêche que ce rêve dans lequel Jakeza se referme sur ses souvenirs psychanalytiques me trouble. J'ai cru comprendre que je divaguais lorsque le paysage s'est transformé mais comme les peintures qui décorent mon quotidien tiennent rarement de l'ordinaire, je ne me suis pas inquiété outre mesure.

— Y penses-tu encore? fais-je à brûle-pourpoint.
— Comment?
— Penses-tu encore à "l'événement"?
— Mais de quoi tu parles Karl?

Je tente de rester calme mais je ne peux contrôler l'intonation de ma voix. Les filles se moquent de moi en m'imitant. J'abandonne d'élaborer plus avant ma pensée, pour l'instant. La brume m'empêtre.

Naoko fait danser ses boucles au rythme d'un pièce quelconque qui résonne malgré ses écouteurs.

— Qu'est-ce que tu écoutes?
— Tu connaîtrais pas ça...
— Teste-moi pour voir?

Naoko aime bien écouter des trucs que je ne connais pas, surtout lorsque ça traite de sujets supposément choquants pour les vieux comme moi : sexe, drogue, rock'n'roll.

— Ça s'appelle "Viens" de Djeun Zelektrikz.

En effet, je ne connais pas. Je lui demande si je peux l'écouter, elle ricane un peu et regarde sa sœur, puis me prête son iPod.

Les Djeun ont une voix fantomatique. Les guitares émettent des sons abrutissants et redondants, à la limite de la dissonance, saupoudrés de beaucoup de reverb et de flanger; la bassiste n'a pas à déployer son grand talent, elle alterne constamment entre les deux mêmes notes.

Puis, le refrain me décrisse :

Viens dans ma bouche
C'est le plaisir des ondes
Charge ta fronde
C'est ma langue qui te touche

22.5.07

Kanlabrum, prise III

Morris et Karl n'ont pas besoin de valise. Ce sont des aventuriers, un packsack leur suffit. Layne Staley et Jerry Cantrell les accompagnent par la voie des ondes radiophoniques. Ils sont accompagnés de deux grands, de deux gars qui ont compris. Ils n'ont pas vraiment besoin de leur aide, mais encore, ça fait partie intégrante du trip de l'exode vers l'Ouest, Go West Young Men Go West. Comme dans les romans de Kerouac, la poésie de Ginsberg, les trames narratives de Burroughs accompagnés à la guitare du supranaturel Kurt.

I feel so alone gonna end up a big pile a them bones. Morris a pris soin d'équiper le bolide d'albums incontournables; en passant, ils se dirigent vers Vancouver, BC (ou du moins le croient-ils), capitale du Nouveau-Monde. Donc, Morris a pris soin de faire le plein d'Alice in Chains, c'est évident n'est-ce pas? Offspring, Pearl Jam, Nirvana, c'est quintessenciel comme on dit au Yémen; Miles Davis, et plus précisément les albums de la période modal/free jazz, voire destroy, tels que A Tribute to Jack Johnson, Bitches Brew, In a Silent Way, Miles in the Sky. Trane les accompagne également : A Love Supreme, Giant Steps, Live in the Antibes, Meditations et Impressions, sans oublier les percussions endiablées de Rashied Ali sur Interstellar Space et le Live in Japan; puis l'indescriptible Hendrix : rien de moins que l'anthologie complète. C'est au son de Tax Free que leur périple échappatoire commence, un jam écrit par a couple of sweedish cats named Hanson & Carlsson. Un beat omniprésent se répercute sur les vitres, maintenant elles sont ouvertes; il s'évanouit dans l'espace entre Toronto et Winnipeg (Ah! Winnipeg! Cet amoncellement de rien parsemé de plus que rien. Ah! Les silos! Ah! La verdure à perte de vue. Mais bon, passons.).

De peur de se faire réprimander, malgré l'état cadavérique de Karl, Morris n'a pas lésiné sur les chefs-d'oeuvre de Arthur H, Mano Negra, Lo'Jo, Les Négresses vertes, empilés dans le coffre à gants. Le long voyage eut été gâché sans les notes des œuvres de Schumann, dont la pièce Scènes d'enfant fait indubitablement partie. Ces pièces ne devraient pas être jouées par des enfants; ce sont des souvenirs d'adultes reproduits en musique, un simulacre de rêve qui permet d'échapper à la réalité, banale si elle n'est pas poétisée ou à tout le moins, vécue pleinement. C'est un peu un paradis perdu mais bon, les rois de ce périple y pensent-ils vraiment lorsqu'ils écoutent cette musique, romantique à souhait, du dix-neuvième siècle? Qu'en pensez-vous? Vous avez raison, il est à croire que non. Mais, étalage de culture purement gratuit oblige, vous connaissez maintenant la vraie pensée de Schumann lorsqu'il écrivait ces pièces d'enfants, selon Dieter Rexroth, ce qui est purement subjectif, comme se veut ce texte en pleine expansion, désirant tout embrasser.

S'extirpant soudainement de son état végétatif aigu, Karl demande si Santana résonnera dans l'antre aux quatre roues motrices. Morris rétorque me prends-tu pour un innocent, ce qui le fait dûment sourire, pour ne pas dire éclater de rire, mais bon, ce ne sont que des impressions, et dieu sait (au fait, le sait-il?) que les impressions sont purement subjectives. Le pendule oscille-t-il du côté du bien ou dans l'abîme du mal? Les lecteurs devraient s'en crisser, éperdument. Tel que stipulé dans l'introduction de ce texte : « Nous recherchons la division entre le charme et l'ennui ». Je respecterai votre intelligence et ne reproduirai pas les premières pages de ce texte atemporel, comme l'aurait fait un de mes maîtres à penser.

15.5.07

Sabotage : mode d'emploi


(merci à nina et caro.)

LAVI : Il a tout gâché.
LAMOR : C'est vrai.
LAVI : Tout gâté, bâclé, détérioré. C'était une détérioration ambulante. Un accident de la nature. Une bombe incapable d'exploser.
LAMOR : Mets-en.
LAVI : Il était altéré de malice, comme un cheveu de permanente abîmé.
LAMOR : Tout sec.
LAVI : Lorsqu'on l'envoyait au front, le sabotage exécuté en territoire ennemi était beau comme une viande putréfiée.
LAMOR : Arrête, tu m'excites.

Un temps. Lamor salive pendant que Lavi se frotte les mains frénétiquement.

LAVI : Tu vas gâter ta robe!
LAMOR : Ben oui, voilà que je m'énerve avec cette histoire de pourriture.
LAVI : Ta voix semble altérée, émue.
LAMOR : Tu délires.
LAVI : Mais non, je te jure, on dirait que tu es cassée.
LAMOR : Cassée?
LAVI : Oui. Cassée.
LAMOR : Comment veux-tu que je sois cassée? Dis donc que je suis détruite, détériorée tant qu'à y être.
LAVI : D'accord. Tu es détruite et détériorée. Tu ne fonctionnes que pour altérer le fonctionnement de son installation.
LAMOR : Son installation? C'est de la merde, du travail bâclé, du salopage, il faisait honte au métier; il créait à la va comme je te pousse, sans structure, ces installations étaient aussi pourries que la putréfaction de sa carcasse au soleil.
LAVI : Tu es méchante.
LAMOR : Oui. Je sais.

Un temps. Lamor fixe Lavi pour la déstabiliser. Lamor prend une roche et la caresse puis fait mine de vouloir assomer Lavi. Elle regarde les spectateurs, rit avec eux. Lorsque Lavi la regarde, elle continue à caresser la roche.

LAMOR : Tu as manqué ta vie.
LAVI : Et pourquoi dis-tu cela?
LAMOR : Tu t'es éparpillée toute ta vie, à saloper ici, à bâcler là-bas, jamais rien de constant. Comme lui.
LAVI : Et oui! Moi je sentais la vie dans mes veines, comme lui, même s'il faisait tout tout croche, sauf l'amour.
LAMOR : Quoi? Tu as déjà couché avec lui?
LAVI : Eh que t'es pas déniaisée... Tout le monde a couché avec lui, sauf les vierges. Il te mettait hors service les bourgeoises d'Outre-Monstre; il faisait haleter les chiennes de Drummond; l'orgasme n'avait pas de secret pour lui, on nommait même des « points » en son honneur.
LAMOR : Tu déconnes.
LAVI : T'es rien qu'une vieille bique jalouse.

Lamor empoigne Lavi et tente de l'assomer avec la roche. Elle râte son coup.

LAVI : Je savais que tu ne résisterais pas à ça. Tu as manqué ta vie, galvaudé ton existence, gâcher ton métier; t'es comme une dent gâtée par l'humidité, privée de ta beauté, tes qualités naturelles sont en mauvais état, back order. Tu as pris goût à saloper tes devoirs, tu t'es enlaidie, décrépie. Comme le mauvais temps, tu te gâtes.

Lamor court après Lavi en un tourbillon sans cesse plus rapide. Les deux s'effondrent par terre, la roche les séparant.

LAMOR : La mort va t'altérer l'esprit et te gâter, t'endommagée tellement que tu en ressortiras gâteuse, l'esprit mou comme un meuble en mal d'âme; ou un vêtement oublié derrière la laveuse. Tu seras aussi abîmée que le boxeur qui mitraille son adversaire sur la gueule. Ça va barder, t'inquiète. Faute de savoir en profiter, tu vas mourir seule.
LAVI : Mais moi au moins, j'aurai connu Lamour avant que tu ne le sabotes.
LAMOR : Oui, tu l'auras connu, comme l'alcool gâte le palais, l'esprit et le goût.

Lamor empoigne la roche et écrase la tête de Lavi. Le sang coule sous la roche. Lamor se frotte les mains avec soin. Doucement.

14.5.07

Émeraude

Une nuit glaciale
Deux messies-scorpions — perdus
Un charmeur discret

Pourquoi les échéances n'existent pas

Depuis que certains philosophes ont exposé l'idée selon laquelle le Désir agit à l'extérieur de la contingence du Temps, le concept même de Deadline est totalement dépassé.


-- Mivil, philosophe zen

Baseball

Frappée au champ droit
Un papillon qui s'éteint
Un relais parfait

12.5.07

11.5.07

Chimère

fantasque fantasme
étreinte impossible absente
fantastique idylle

photos : Chimera © Erika B.

10.5.07

Ville de M. — La Route

La route secondaire qui nous mènera vers la ville de M. est étrangement belle. Mais avant de quitter notre grande ville, nous avons croisé des lieux remplis de souvenirs : le bar où j'ai rencontré Jakeza; l'université où j'ai subi mes études littéraires et où Jakeza a réussi with honors son doctorat en psychologie behavioriste; les cafés où j'ai déclaré ma passion plus de cent fois, où j'ai déclamé des poèmes sans sens, où j'ai chanté le blues du vingtnaire blasé.

Toute cette myriade de flashbacks se trimbale dans ma tête pendant que Jakeza regarde par la fenêtre, plongée dans une rêverie sans nom; Naoko sifflote des phat beats en tapotant sur le siège avant et Nokäa aligne les vers comme un pécheur en manque de chance.

Arrivé au pont Xantippe, j'ai le goût d'une bière rousse qui me râcle la gorge tandis que les enseignes tape-à-l'œil tentent de nous vendre un livre à scandale, un alcool sucré ou un disque à l'eau de rose.

C'est l'arrière-goût amer de notre grande ville d'Alcibiade que nous laissons couler le long de notre œsophage émotif; les navettes font l'aller-retour entre le temple de Socrate et la banlieue sud sous mes pneus, le chant du métro se fait plus distant, malgré ses accords décousus et pointés.

Sur la route secondaire qui prolonge la vie incessante du pont Xantippe se dresse des collines de part et d'autres comme en un rêve brumeux. Les cimes des arbres, mauves, parlent aux nuages qui terminent leur partie de poker : je suis visiblement épris d'un psychotrope éclatant. Les arbres ne parlent pas, les nuages dorment.

— Mettrais-tu de la musique?

Jakeza est toujours prise par ses rêveries (nostalgiques?) et n'entend pas ma question. Je la répète en mettant l'emphase sur le mot musique.

— Hein? fait-elle, comme extirpée d'un profond sommeil.

— Qu'est ce que t'as envie d'écouter?

Jakeza ouvre distraitement la radio sur la chaîne AM. Ça griche. La radio fait "kchhh" et cela ne semble que me déranger.

— Qu'est ce que t'as?

Jakeza ne me répond pas, toujours partie dans son monde parallèle. Je commence à perdre patience.

— Jak, veux-tu ben me dire kessé que t'as?

Elle hésite. Elle me répond enfin, faiblement.

— C'est lui.

— Qui ça, lui?

— Tu sais.

— Ah! Pas encore! fais-je, excédé. Tu sais ben qu'il faut pas que tu t'impliques. C'est toute des fuckés!

— "La sexualité n'existe pas".

— Ah! Arrête avec tes citations lacaniennes à la noix!

— Attention!

Comment écrire un scénario de 20 000 mots en un mois

It's the summer blockbuster premiere you've all been waiting for.....

Script Frenzy, the month-long scriptwriting adventure from the people who brought you NaNoWriMo, has officially arrived at http://www.scriptfrenzy.org!

Check it out and see if you don't get a burning desire to dust off your laptop and hammer out a two-hour tale about star-crossed lovers or renegade space cowboys or
a creeping black ooze.

Writer sign-ups for the June event are already in full swing, so head over to Script Frenzy dot org now and join in the Frenzy.

See you there!

The Script Frenzy Team

9.5.07

Mon Podcast qui mourre

Mon podcast a besoin d'aide (odeo/cc4642d65fc12ca5).

Fak ça a l'air qu'il faille que je fasse des postings débiles et inutiles...

4.5.07

Ville de M. — Le Déménagement

— Es-tu prêt?
— Oui.

Jakeza vient de terminer ses boîtes. Dans moins d'une demi-heure, nous partons vers la ville de M, où Jakeza a obtenu un poste de psychologue en entreprise chez Mémoires, une boîte de fabrication de composants logiciels.

Après plusieurs années de vache maigre, nous réalisons enfin un rêve: vivre tranquillement à l'écrant du brouhaha de la grande ville. Nous nous imaginons nus pieds dans notre cour, passant des brindilles entre nos orteilles en sirotant un alcool local, ou en train de courir après nos filles jumelles, Naoko et Nokaa, que nous avons adoptées au Japon il y a de cela 6 ans déjà.

Je viens à peine de fermer la dernière boîte, celle qui contient tous les logiciels nécessaires à l'installation de ma machine, un petit portable Dell cadencé à 4 gigahertz et doté d'une mémoire vive de 2 gigaoctets; mon lecteur DVD supporte tous les formats récents, et mon système audio rendrait jaloux les plus grands interprètes de R&B de la planète.

Les déménageurs arrivent.

— Bonjour ma petite dame, prête pour le décollage?

C'est Raymond qui s'exprime ainsi, un quincagénaire qui en a vu d'autres. Un de ses bras est atrophié, il a un oeil de verre, il fait peur aux jumelles.

— Ayez pas peur belles demoiselles, Raymond est là pour déménager vos boîtes dans votre nouvelle maison. Avez-vous hâte?

Les jumelles ne répondent pas. Gênées, elles préfèrent aller jouer avec les chats des voisins, boire une limonade avec leur meilleure amie, Myrtille, avant de faire leurs adieux.

— Avez-vous fini de paqueter vos boîtes?
— Oui. Tout est là, vous avez juste à tout embarquer, on va regarder le spectacle, dis-je à Raymond, qui nous présente Elvis, son associé, et Clyde.
— Elvis et Clyde? Ça augure bien... En autant que vous ne vous sauvez pas sur une île déserte avec notre stock!, leurs fais-je à la blague.
— Inquiétez-vous pas monsieur?...

Il regarde sur le bon de commande.

— Karl.

Je déteste qu'on m'appelle monsieur.

— Monsieur Karl?
— Non, Karl tout court.
— Ah bon.

Jakeza semble anxieuse et pourtant, nous n'étions pas particulièrement heureux dans cet appartement.

— Qu'est-ce qu'il y a?
— Je sais pas.
— Tu ne te sens pas bien?
— Non, non. Ça va.
— Alors on y va?
— Oui, mets-en qu'on y va. Déguerpissons!
— Naoko, Nokaa, on y va!

Les jumelles disent aurevoir à Myrtille.

— On va s'écrire hein?
— Bien sûr qu'on va s'écrire, répondent les jumelles en coeur. Et je tiens absolument à ce que tu participes à notre MySpace.
— C'est sûr. Les gars vont être trop jaloux!

Les jumelles et Myrtille s'embrassent, se font une longue caresse.

— Allez les filles, vous allez la revoir, votre Myrtille au bleuet.

Les filles me lancent un regard noir. Elles n'aiment plus trop l'humour de leur vieux père maître ès calembours.

— Allez Myrtille, on se voit sur le net. Dès qu'on arrive, on branche la webcam, on te montra l'appartement.
— Cool.

Myrtille s'éloigne pendant que nous plaçons nos valises dans la minivan. Naoko a apporté son iPod tandis que Nokaa fourre son journal, ses cahiers et ses crayons dans son sac. Sûrement pour écrire un poème fleuve pendant le voyage de trois heures qui nous attend.

Photos : twins © Erika at Ebank.

2.5.07

Kiosque à limonade

Ceux qui le connaissent le reconnaîtront. Les autres apprendront à le découvrir.

Place au spectacle du phonomonteur, mélodicastapageur M.athieu et au chordorganiste, enharmoniste, autoharpiste et résonnateur S.ébastien.

Mentionnons la présence sensorielle de R.olland.