4.5.07

Ville de M. — Le Déménagement

— Es-tu prêt?
— Oui.

Jakeza vient de terminer ses boîtes. Dans moins d'une demi-heure, nous partons vers la ville de M, où Jakeza a obtenu un poste de psychologue en entreprise chez Mémoires, une boîte de fabrication de composants logiciels.

Après plusieurs années de vache maigre, nous réalisons enfin un rêve: vivre tranquillement à l'écrant du brouhaha de la grande ville. Nous nous imaginons nus pieds dans notre cour, passant des brindilles entre nos orteilles en sirotant un alcool local, ou en train de courir après nos filles jumelles, Naoko et Nokaa, que nous avons adoptées au Japon il y a de cela 6 ans déjà.

Je viens à peine de fermer la dernière boîte, celle qui contient tous les logiciels nécessaires à l'installation de ma machine, un petit portable Dell cadencé à 4 gigahertz et doté d'une mémoire vive de 2 gigaoctets; mon lecteur DVD supporte tous les formats récents, et mon système audio rendrait jaloux les plus grands interprètes de R&B de la planète.

Les déménageurs arrivent.

— Bonjour ma petite dame, prête pour le décollage?

C'est Raymond qui s'exprime ainsi, un quincagénaire qui en a vu d'autres. Un de ses bras est atrophié, il a un oeil de verre, il fait peur aux jumelles.

— Ayez pas peur belles demoiselles, Raymond est là pour déménager vos boîtes dans votre nouvelle maison. Avez-vous hâte?

Les jumelles ne répondent pas. Gênées, elles préfèrent aller jouer avec les chats des voisins, boire une limonade avec leur meilleure amie, Myrtille, avant de faire leurs adieux.

— Avez-vous fini de paqueter vos boîtes?
— Oui. Tout est là, vous avez juste à tout embarquer, on va regarder le spectacle, dis-je à Raymond, qui nous présente Elvis, son associé, et Clyde.
— Elvis et Clyde? Ça augure bien... En autant que vous ne vous sauvez pas sur une île déserte avec notre stock!, leurs fais-je à la blague.
— Inquiétez-vous pas monsieur?...

Il regarde sur le bon de commande.

— Karl.

Je déteste qu'on m'appelle monsieur.

— Monsieur Karl?
— Non, Karl tout court.
— Ah bon.

Jakeza semble anxieuse et pourtant, nous n'étions pas particulièrement heureux dans cet appartement.

— Qu'est-ce qu'il y a?
— Je sais pas.
— Tu ne te sens pas bien?
— Non, non. Ça va.
— Alors on y va?
— Oui, mets-en qu'on y va. Déguerpissons!
— Naoko, Nokaa, on y va!

Les jumelles disent aurevoir à Myrtille.

— On va s'écrire hein?
— Bien sûr qu'on va s'écrire, répondent les jumelles en coeur. Et je tiens absolument à ce que tu participes à notre MySpace.
— C'est sûr. Les gars vont être trop jaloux!

Les jumelles et Myrtille s'embrassent, se font une longue caresse.

— Allez les filles, vous allez la revoir, votre Myrtille au bleuet.

Les filles me lancent un regard noir. Elles n'aiment plus trop l'humour de leur vieux père maître ès calembours.

— Allez Myrtille, on se voit sur le net. Dès qu'on arrive, on branche la webcam, on te montra l'appartement.
— Cool.

Myrtille s'éloigne pendant que nous plaçons nos valises dans la minivan. Naoko a apporté son iPod tandis que Nokaa fourre son journal, ses cahiers et ses crayons dans son sac. Sûrement pour écrire un poème fleuve pendant le voyage de trois heures qui nous attend.

Photos : twins © Erika at Ebank.

8 comments:

Nina louVe said...

suis là. cé juste ké yé ne parle pâ

Jack said...

Moi je parle mais tout bas. Parce qu'i'est tard. Ce qui veut dire que je vais revenir. Mais ça fait trois fois que je lis la fin et que toute cette histoire me semble naturelle,

Christian Roy, aka Leroy said...

c kolek gang, j'essaie autre chose, c'est pas mon style habituel disons... mais j'ai lu pas mal récemment, et j'ai le goût de tenter qqchose de plus accessible, tout en restant mió.

merci de lire!

Nina louVe said...

Hé ! C'est pas parce qu'on parle pas qu'il faille que tu te censure. GrRRR ! Fonce K. Tel Kel

Jack said...

Ben justement, c'est l'fun.

Christian Roy, aka Leroy said...

nina. pas de censure, une approche différente, c'est tout.

jack. thx.

Edouard.k said...

Je laisse un moment et v'la un yuka, j'veux dire un new K qui pointe le bout de sa tige. J'trouve très bien cette idée d'expérimenter une nouvelle façon d'écrire.

Christian Roy, aka Leroy said...

en fait, depuis que j'écris ce blogue, je suis bcp plus conscient de mes lecteurs car, avant, je n'en avais pas bcp ;-)

en lisant un truc plus populaire récemment, je me suis aperçu que sont les dialogues qui font avancer l'action. donc je m'efforce d'en écrire plus, en espérant qu'ils soient bons!