17.5.08

Véronica Rioux sur LKM - Le moton dans la bergerie

Une autre slammeuse, Véronica Rioux, a accepté de publier ses textes sur LKM.

Voici donc Le moton dans la bergerie, qu'elle a slammé le 21 avril dernier (elle a terminé 2e la Véronica, aka la Duchessssse).

Le moton dans la bergerie

Un moton de grêle
s'abat sur ma raison
Un mouton bêle
dans mon champ de télé
vision


Fatiguée, mais n'empêche
faut que j'me dépêche
Sur la page
j'veux déposer
des tranches de rage
à digérer


Cracher enfin la monstruosité
l'orage au loin, ou quotidien

La globêtisation, ça te dit rien?
C'te globe bête, allons le visiter...


Pendant le sommeil des corps
mettre le feu au décor
pour découvir son envers:
pas besoin de mourir pour vivre
en enfer


On veut sa place au soleil
mais pour rien au monde
on en voudrait une pareille
à ceux qui "grillent" au Tiers Monde


On délocalise en visant la misère
Des jobs volent au sud maquiladoré
Pis nous autres, les cons, ce qu'on va faire?
On va aller en acheter, d'leurs cossins adorés
"Ben quoi, c'est moins cher?!"


On effleure l'effet de nos efforts
Ici fleurit le confort
et le bonheur aseptisé
On obsessionne sur le microbe
qui pullule sur la bolle
le tapis, le comptoir, la poignée
de porte et même de main
Jusqu'aux joues que l'on craint
d'embrasser
"Tu serais pas un peu enrhumé?"


Pendant ce temps
on ignore, niais, en niant
le nuage étouffant et dense
du smog de notre indifférence


Pourtant le brun-vert est devenu de l'or
C'est des milliers de champs à l'éthanol
qu'on succionne pour nourrir nos chars
On spécule jusqu'au ridicule
Et crée la famine, la Bourse s'affole
Quelqu'un aurait pas une gravol?


De la nappe très phréatique
à celle des tables à cocktail
On enferme dans des bouteilles
nos angoisses bactériologiques


Dans les étables c'est aux antibiotiques
qu'on en-seigne aux bêtes
à ne pas faire à leur tête
mais à donner un rendement bionique


L'atmosphère, la terre, les océans
plus un endroit qui ne soit exploité
ou exploitable, faut bien prévisionner
La nature, c'est rien, sans l'investiss-e-ment


Sur ses écrans
des chiffres croissants
Sous son chapeau de taille
l'actionnaire est heureux
Son château de paille
devant les yeux, c'est tentant:
"Hey man, as-tu du feu?"


Le moton se tasse
dans mon champ d'épuration
Le mouton repasse
J'vais devoir en compter
jusqu'à un million...

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