28.2.06

De la Langue anglaise

Sa flagrante arrogance crevait l'écran. Quarante ans, blonde, 1 mètre 80, 75 kilos, italienne, chiante. Sous son bras, elle portait une énorme pile de dossiers, annotés de post-it, « jaulignés ». Ah oui! Et elle ne pouvait pas aligner deux phrases en français. Une chance que l'écran de visioconférence nous séparait.

Spécialisée en marketing direct traditionnel, elle ne pesait pas ses mots pour affirmer son infinie subjectivité, son interprétation bien libre des règles de grammaire anglaise, et sa passion pour la rétention anale.

Lorsque le dossier de la mise en ligne de la boutique électronique vint sur la table, elle trépignait d'impatience d'apporter son grain de sel à la discussion, déjà stérile, de l'utilisation de telle ou telle expression pour transmettre son génie marketing à la plèbe que nous composions, nous, pauvres francophones illettrés.

Malgré que les études de Jacob Nielsen et de John Rye fassent état de la souhaitable personnalisation du Web par l'emploi de pronoms personnels dans la prose électronique, madame Putanesca, dans sa grande omniscience, affirmait à qui voulait l'entendre que le you était inutile, que cette personnalisation de l'espace webesque n'apportait aucune valeur ajoutée.

Aussi, voulant asseoir son emprise sur le contrôle du contenu de la eBoutique, elle n'hésitait pas à proposer des expressions grammaticalement incorrectes au profit de sa supposée supériorité en matière de langue anglaise.

Lorsqu'elle m'a remis sur le nez un texte que j'avais modifié car je le considérais comme fautif, elle s'est moquée de mon expression (Monthly, one-way hits), prétextant que je n'étais qu'un frog trying to tell a native anglophone how to write in her mother tongue. (Ai-je précisé qu'elle était italienne?)

Sur le coup, j'ai figé et j'aurais bien voulu m'esquiver pour fumer une clope ou, mieux, enfiler quelques bourbons sur les roches, mais je résistai.

Lorsqu'elle s'est esclaffée à la vue de l'expression Really quit? All data will be lost, j'ai encaissé en silence, préparant savamment ma réplique, me plongeant cérébralement dans ma grammaire anglaise.

Puis, avant que la réunion ne se termine, j'ai répondu aux attaques : "There's nothing wrong with 'Really quit?'. This message is standard in the computer world, one with which you're clearly not at ease. And to go back to the 'Monthly hits one-way' issue:

  1. "monthly" is an adjective;
  2. "hits" is a noun;
  3. and "one-way" is an adjective.
If we agree on the premise that adjectives generally precede nouns, then the correct expression would be 'Monthly, one-way hits', not 'Monthly hits one-way' like you arrogantly stated earlier."

Sur ce, le silence fut d'or, de bronze et d'argent.

27.2.06

Joani Lespérance

Il est une nouvelle figure dans le paysage de la littérature québécoise qui transcende tout genre, tout style. À l'instar du Don Quichotte de Pierre Ménard, Joanie Lespérance reprend à merveille le Delia Elena San Marco de l'argentin Jorge Luis Borges où elle introduit une notion de perspicacité subtile que la critique a complètement passé sous silence. Lorsque Borges dit : « Un río de vehículos y de gente corría entre nosotros; eran las cinco de una tarde cualquiera; cómo iba yo a saber que aquel río era el triste Aqueronte, el insuperable », on sent une lourdeur, une maladresse du professeur de Buenos Aires. Lespérance réussit à rendre le passage limpide comme la rosée des premières heures du jour lorsqu'elle écrit : « Un fleuve de véhicules et de gens coulait entre nous; il était cinq heures de n'importe quel après-midi; comment pouvais-je savoir que ce fleuve était le funèbre Achéron, l'infranchissable? ».

La différence est frappante et pourtant, il y a une apparente transgression dans le style qui confère au texte de Lespérance plus de rigueur, plus de compassion. Le lecteur novice n'y verra que du feu, mais pour l'expert, il est clair que le « véhicule » diffère. Lespérance y ajoute l'espoir du retour, tel Orphée ne se retournant pas pour regarder Eurydice sauvée des abîmes de l'enfer. Chez Borges, le véhicule disparaît dans le traffic des artères principales de la capitale argentine pour ne laisser entrevoir que le fleuve s'asséchant après mille ans d'érosion.

Nous ne connaîtrons jamais les intentions de la jeune auteure québécoise puisqu'elle a disparu durant l'été 2001. Il n'empêche que la relation qu'elle tisse entre Borges et Délia est indéfiniment plus poignante, plus sensible, nuancée.

Le Gâteau à l'ananas

C'est toute une surprise qui attendait Jacynthe, Valérie et Constance lorsqu'elles entrèrent aux Fins Gourmets. Aussitôt qu'elles eurent pénétré dans l'antre du café, la porte se verrouilla et les lumières s'éteignirent. Un fou rire collectif s'échappa de leur gorge mais leur destin tragique était déjà scellé. Lorsqu'elles entendirent vrombir un bruit sourd et cinglant, ce rire se transforma en angoisse puis en crainte véritable.

Un homme masqué vint à leur rencontre, portant une toge noire et un crucifix inversé, rouge, s'affichait au-devant de son accoutrement macabre. « Prenez place » furent les avant-dernières paroles qui leur furent adressées. Deux autres hommes habillés de façon similaire démarèrent leur scie mécanique et le vacarme de la mort retentit dans l'alcôve des Fins Gourmets où elles prendraient leur dernier repas. Un serveur leur apporta trois coupes d'ananas et leur dit : « Mangez ».

Transies, elles sanglotaient et peinaient à exécuter leur ultime tâche. Jacynthe tenta vainement d'ouvrir la porte qui demeurait immuable devant sa frayeur. Le plus grand des hommes la ramena à sa place où elle fut contrainte d'entamer son festin final.

Après le carnage, les hommes préparèrent le dessert du jour : le gâteau à la nana.

24.2.06

Réactions Pipen Farter

Propos recueillis par un itinérant quétant St-Denis/Ste-Catherine.

« Je vouvoulais rectificationationer les parlégations concernant l'érection de ma droiture. Jé n'éssuie pas de la droiture, mais j'aime bien les trous dans le centrure. Mon gougouvernemental mininustre s'inflige contre ces fouets.

Et puis, si je ne tu vous pas. Je survenmenanpas unalitéralement. »

« Memerci beaucoupe. »

Thank you.

22.2.06

L’Érection de Pipen Farter devrait exténuer les tensions Canada — États-Unis

Le réchauffement de la planète et des relations extraconjugales avec son homologue américain devrait aider le Canada, estiment plusieurs experts.

On peut se demander comment évoluera le dossier des mariages gay, qui a créé passablement de tension dans le passé récent entre les deux pays.

Selon Rodrigue Tessier, professeur au Département de science nouvelle et directeur de la Chaire d’études orgasmiques et néo-anales américaines, l’entourage du président a gémi un soupir de soulagement au soir du 23 janvier. « On a enfin deux chefs d’État qui s’entendent, qui partagent des valeurs communes », dit-il à propos du leader américan et du nouveau premier ministre canadien élu il y a un mois.

L’érection canadienne, qui a érigé les conservateurs au pouvoir, relaxera vraisemblablement les tensions Canada — États-Unis. C’est du moins l’opinion de Michel Landry, spécialiste des questions stratégiques et multi-partenaires, de William Frog, professeur de science clitoridienne à l’Université Concordia, et de René Crevel, poète qui s'est donné la mort en 1935, réunis le 28 janvier 2006 au Centre rustique d'onanisme sexuellement sociable et épanoui (CROSSE), pour faire le point sur la politique étrangère canadienne en terme de sexualité postmoderne au lendemain du scrutin.

les p'tits crayons

salut boss. bon week-end, grosse soirée, ben du fun, grosse grippe, la p'tite a eu la gastro.

oui, oui, derniers rapports, performances accrues,
maximiser, optimer, fidéliser.

non, non, pas moi. le voisin, sa femme, son chat, l'autre département.
en 1970, tel vp a décidé que.

anyway. panne d'électricité.

pu d'ordi. no laptop.

les crayons. hum, qu'est-ce qu'un crayon?
a new laptop wireless mp3 digital network broadband?

oui, oui, c'est ça, broad bandé.

merci, merci. voici ma démission.

bon week-end boss!

21.2.06

San Diego Dreaming

Le zoo est plein comme la Tequila déborde du lit de Tijuana. Au loin les dauphins disent bonjour aux Amazones pendant que les fauves se pourlèchent d'un steak au poivre, saignant.

« Jérôme! » crie le primate à intelligence temporaire. Puis le Hammond se met à résonner dans le bassin hydraulique à température ambiante. On fait passer des rayons X aux grenouilles pendant que Kenai le loup se bronze sous les tropiques. Mademoiselle M, la scientifique, se fait mordre la jambe gauche par la plante carnivore pendant que le panda géant se change le Wolong.

Émouvant.

Tic Toc

Lorsque T est arrivé à mon bureau j'étais dépeigné mais ma chemise était bien repassée. Son Palm était accroché à sa ceinture et son Blackberry sonnait mais il n'y répondait pas. J'avais downloadé tous les documents nécessaires pour le meeting dans la salle 74B3X avec F et Y. Elles avaient planifié le meeting depuis 3 semaines et « trépignaient d'impatience » de nous montrer leurs résultats. T portait un complet sans cravate. J'avais enfilé un jean, sale.

Elles étaient en retard. Nous avons échangé des propos insignifiants. Il avait renouvellé son permis de conduire. Je peinais à garder les yeux ouverts.

(Entre midi et une heure et demi le café est gratos tu manges ton poulet au cari avec du riz et des légumes tu prends pas de dessert parce que tu surveilles ta ligne tu bois un Coke. Diète.)

Quinze minutes plus tard nous avons levé les pattes. Nous sommes allés à l'Échangeur enfiler des bières.

Quinze heures vingt-trois.

brr — smoke — matante

hey t'es pas frileux — ben non ça aère les poumons — hey t'es chanceux fait pas frète après-midi — ben non — en floride y en n'a pas de neige — non mais y a des ouragans — hey c'est pas des farces y vente pour écorner les bœufs — pour moé « lévis » ça veut dire « les vents » en vieux frança — ça pas d'allure fumer d'même en chemise — ça pas d'allure fumer d'même en manteau d'poil — pourquoi tu mets pas ton manteau dans le garde-robe comme tout l'monde — ah c't à ça qu'ça sert — ben non c'est pour les vipi — pour moé les routes s'ront pas belles belles à soir — ça m'dérange pas j'marche — ah... — hey as-tu vu l'carambolage su'a 40 — oui j'étais dedans — quand il neige de même ils ferment le viaduc — bonne raison pour tromper ta femme à l'Oiselière — l'as-tu chicané y'a pas mis son manteau encore — non on vient juste de faire connaissance mais la prochaine fois — hey fait pas beau hein — non pis j'm'en kâlisse — tu vas pogner une pneumonie — pis toé tu vas mourir anyway.

Pronoms

Je n'ai rien fait qui vaille. Tu n'étais pas là et pourtant je sentais ta présence transie. Il était en déplacement dans les Antilles. Nous n'avons pas pu vous rejoindre faute de connaître votre emplacement. Vous fûtes si chiant lors de notre dernier entretien que nous vous balançons à la noix l'expression de nos sentiments les plus déplorables. Elles se balançaient dans le parc lorsque le saxophoniste se tira une balle, une seule.

Ils pleuraient la mort du grand artiste alors que nous roulions des spliffs au Parc des Morts enchaînés. Vous ne nous laissez pas le choix nous vous exécuterons dans les plus brefs délais. Tu ne nieras pas que tes agissements récents sont la preuve de ton manque de bonne foi. Je n'en en rien à foutre, Rashied Ali est déchaîné. Nous irons pleurer sur l'Île des Sans Souci au grand désarroi du traversier qui longe les ongles du ticket réprobateur. Il se souciait peu de votre apparence malgré le décorum que vous y avez mis.

J'explose à l'idée que vous enchaîniez les double-croches et les tuplets. Elles se sont cadenassées au mât de votre désir pour mieux mordre la main qui tend la bride au cheval qui tue. Tu ne croiras pas les pires ragôts de ton beau pays c'est la force de l'âge qui joue contre toi. Elle se déshabille lentement pour que tu la désires mais tu n'y vois que du feu. Nous croyons fermement que la résolution numéro 52 saura plaire aux plus nantis. Vous vous en crissez et c'est bien dommage.

On exclut la personne qui turlutte.

15.2.06

Le « ça »

Le cas « ça » perturbe les plus grands esprits des deux derniers siècles. De Freud à David Smithereen — critique de l'œuvre de Kafka (voir son mémoire sur Un Médecin de campagne, VCP, 1991, 225 pages), en passant par Réjean Ducharme (L'Avalée des avalés, Gallimard, 1966, 384 pages) puis plus récemment Éric Bourbonnais (Liquescence, BFP, 2005), la partie la plus obscure de la psychée humaine fascine autant que répugne l'intellect postmoderne.

Et pourtant, rien de plus simple que cette dimension irrationnelle que le plus grand nombre saisi dans ses premières années de compréhension cognitive. Notre hypothèse repose entièrement sur le postulat que les visées — tout comme les prémisses — sont assises sur un bassin de graphie iconoclaste que seule la langue française réussit à rendre incompréhensible. En effet, toute notre approche met en valeur la cédille (« ¸ ») qu'aucune autre forme d'expression réussit à reproduire. La projection dans l'ambiguité (Julia Kristeva, Ça, cela et autres cas d'abjection préœdipienne, Éd. Minuit, 1976, 534 pages), ainsi que la réflexivité impressive (et perverse) de l'école du Nouveau Roman, nous porte à conclure que Bérénice Einberg avait tort d'affirmer : « ... ».

Ça, ce n'est pas cela, c'est ça. Oui, c'est cela, ça n'est pas ça, cela va de soi.

12.2.06

orient

au fond de la grève se meurent les chantiers battus de l'aurore ancestrale et fleurie. le café rôtit à point ; je n'aurai pas à laver le bodum brun de P ; à l'horizon crèvent les antilopes du plaisir sodomite ; à l'est s'éveille l'hirondelle de mon G7.

10.2.06

exutoire

Elle l’avait aguichée. Envoûté par sa beauté, porté par ses instincts sexuels, il l’avait sauté sans réfléchir. Dans un état second, sentant l’orgasme arrivé, il se retira de la chatte dégoulinante, s’agrippa à la longue tignasse rousse, puis enfonça sa queue dans la bouche haletante. Quelques secondes plus tard, des traînées blanchâtres dégoulinaient des commissures des lèvres écarlates...

(collaboration spéciale :: al)

8.2.06

Elise "Jin" Bacon

Do this
Do that
F*** the rat

Go beyond the boundaries of imagination
Like heuristic pleasures
Of naive perplexion

"Don't marketese"
Writes the tease
Go bold
Go beyond
Be God Be Big

Think tank like an awkward oxymoron
Moronize your thoughts
To pursue the ethical choice
Of swaggerness
There's no threshold to the apoplexity of knowledge
Only differences between
Highness
and Feebleness

Faux

Au rythme de la guitare cheap se balancent les amants ringards d'un soir, captivés par l'aura d'un chanteur mal rasé au teint basané, faussement sudaméricain, faussement rebelle.

Comme si l'ère d'aller des tanks les replaçaient au centre d'une valse nuptiale dépourvue de grâce et de beauté, comme si les harmonies racistes d'une pinte de rousse, kamikaze à voix rauque et explosive comme le cash anarchique des beaux jours d'antan, vision d'accalmie à 12 doigts, déesse dégénérescente nouvel âge. Comme si.

C'est au son du vibraphone des cinq sens que chuchotent les larmes imprévisibles de l'amour en 7 temps ; le beat-box crache des accords atonaux pour mieux apaiser la souffrance enfouie des atomes crochus bras dessus bras de saoulons.

Le beat malaisé des faiblesses bien reçues se répercute sur la vitre du cendrier de leurs coeurs : il y aura du sang au bout du tunnel comme les règles de l'ergonomie battent la mesure du corporatisme cinglant.

Il n'y a pas de fin à cette ouverture impétueuse.

Vrai

Les aléas de l'hiver me plonge inexorablement dans le vide de l'Anse aux Crabes, comme ma Boréale Dorée finit de se glisser dans ma gorge. La glace ne fond qu'à l'approche des métaux précieux, de l'orge et de l'ivraie de G, comme la lumière ruisselle sur le dos du canard liquide.

À l'orée du Lac des Anges se conforment les esprits délétères : il n'y a d'issue que dans le scotch des femmes, le whiskey des geishas et le haschisch des jeunes filles à l'ombre des cerisiers en fleurs de Tokyo.

Ton visage d'Iphigénie sacrifié pour le bien de la Patrie rayonne en haut du Château, pendant que les quidams se délectent de mets raffinés sous les auvents des restos branchés de la Grand-Place. Paisibles, ils contemplent le fleuve qui s'essouffle dans tes bras pour mieux s'éteindre au creux de tes reins.

3.2.06

tgif

there's a great reward in
getting to the end of the roar:
is the magic of white trash
for everyone?

firmament de poudre
irréelle
grossière indécence
thermique

the tempest

mur blanc
véhicules en panne
mur chiant

au fond du dédale, il y a

au bout du long corridor se trouve la machine à café qui tourmente mon portefeuille. il y a sûrement quelque chose à faire mais l'ascenceur est hors service. au loin, dans la pénombre, le guépard attend un mouvement des secrétaires pour foncer et rugir.

il n'y a pas d'issue.