1.4.09

Le Dernier Souffle du vieux dégueulasse

MAJ: C'est aussi publié sur CoteBlogue.

Note: J'ai tenté de publier cet article sur coteblogue.ca, mais comme je n'ai aucune idée s'ils vont le publier et que je n'aime pas attendre...

Lorsque j'ai vu Pulp Fiction en 1994 — plusieurs fois — j'ai été intrigué par le titre de la version française, Fiction pulpeuse. Je trouvais que la traduction ne rendait pas justice au titre original.

Lorsque je suis passé à la bibliothèque de mon bled et que j'ai croisé le roman Pulp de Bukowski dans la rangée des auteurs dont le nom de famille commence par la lettre B, je me suis dit tiens, voilà l'occasion d'approfondir le concept de la fiction pulpeuse.

Nick Belane est le meilleur détective de L.A. Enchaînant vodka sur vodka et traînant la plupart de la journée dans des bars miteux, il doit résoudre des énigmes impliquant:
- la Grande Faucheuse, qui lui commande de lui ramener Louis-Ferdinand Céline, mort 32 ans plus tôt;
- une invasion extra-terrestre, dont la pulpeuse Jeannie Nitro, qui peut se cloner, est la leader;
- le Moineau Écarlate, un étrange personnage dont personne ne semble savoir grand-chose.

Ce qui fait la force de Pulp Fiction, outre la composition non-linéaire du récit, ce sont les savoureux dialogues. Et plus je lisais le dernier opus de Bukowski, plus je faisais des parallèles avec l'oeuvre de Tarantino. Ce dernier ne s'en cache pas, le kitsch, les séries B, ça le connaît. Et il s'en est plus que largement inspiré pour écrire le film qui lui a valu la Palme d'Or à Cannes en 1994.

C'est dans cet univers de gonzesses de rêve, de répliques éclairs et de regards noirs que Bukowski a choisi de terminer sa vie, sachant que sa fin approchait, étant atteint de leucémie.

Charles Bukowski ne l'a pas eu facile. Né en Allemagne après la Première Guerre mondiale, il déménage aux États-Unis en 1928 et subit le sarcasme de ses nouveaux amis à cause de son accent germanique et des vêtements ringards que ses parents l'obligent à porter.

Son père perd souvent son boulot, et le harcèle physiquement et mentalement. Bukowski souffre aussi d'acné sévère, ce qui engendre une gêne terrible. Inutile de dire qu'avec les filles... Bref, rien pour construire l'estime personnel d'un petit immigrant.

Tout cela explique-t-il la complexité et la tourmente de son oeuvre, et le sobriquet peu élégant qu'il s'était donné, "le vieux dégueulasse", faisant référence à son célèbre recueil de chroniques (Journal d'un vieux dégueulasse)?

Sais pas. Je ne suis pas un gros fan de l'explication de l'oeuvre par l'autobiographie, malgré qu'il semble difficile de dissocier l'oeuvre de la vie de Bukowski, mêlée à quelques extensions du domaine du possible littéraire.

Mais Pulp. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire? C'est simplement la littérature de gare, cette littérature que l'on lit en attendant le train ou l'avion. Une littérature facile à lire, souvent policière et d'espionnage, ou littérature à l'eau de rose.

Donc, cette fiction pulpeuse n'avait rien à voir avec les lèvres charnues d'Uma Thurman? Rien n'était censé être moelleux ou duveteux? Autant Tarantino que Bukowski ont choisi de rendre hommage à ce que les académiciens se complaisent à appeler de la mauvaise littérature, du mauvais cinéma.

Bukowski, même s'il ne s'est jamais gêné, ni en personne ni en littérature, en profite pour mettre les pendules à l'heure, comme il est souvent le cas dans ce genre littéraire:

Sur la rectitude politique: "À propos, si le mot pute vous gêne, je vous autorise à m'en suggérer un politiquement correct."

Sur le désespoir humain: "Chacune de ses composantes. Le smog, par exemple, mais aussi son taux de criminalité, l'air empoisonné, les eaux polluées, la nourriture cancérigène... Mais encore la haine, le désespoir... La seule chose de belle sur votre planète, ce sont les animaux, contre lesquels vous vous acharnez, et qui bientôt auront tous disparu, excepté les rats apprivoisés et les chevaux des champs de course. Ça m'attriste, mais ça m'explique aussi pourquoi tu bois tant."

Sur le pessimisme: "D'ailleurs, la plupart des meilleurs moments de l'existence sont ceux où l'on n'en branle pas une, où l'on mâche et remâche tout ce qui nous passe par la tête. Vous savez bien, ces moments où plus rien ne semble avoir de sens, alors qu'en y réfléchissant, toute cette absurdité s'éclaire petit à petit, de sorte que vous finissez par admettre que ce qui vous paraissait sans grande signification en était au contraire intensément porteur. Vous m'avez compris, hein? Une telle conception du monde pourrait s'appeler du pessimisme actif."

Merci Charles pour cette fiction pulpeuse, pour ces femmes plus sexy que nature, pour ses répliques canons qu'on voudrait tous dire au moins une fois dans notre petite vie rangée, merci pour cet imaginaire débridé et fascinant.

4 comments:

le rimailleur said...

Là-dessu, coiq sur cinq, et vive le grand Rimasky :-)

le rimailleur said...

Euh, excuse du commentaire précédent, j'étais bourré ou y'a eu un problème de clavier. Donc :

"Là-dessus, je te reçois cinq sur cinq, et vive le grand Rimasky...Chinasky pardon ;-)

Jigé said...

Salut ami et merci du partage. C’est tout à fait par hasard, au gré de mes explorations des blogs, que j’ai atterri ici.

C'est archi intéressant de te lire. Bravo! (Très différent de môa qui suis plutôt philosophique). Et LES ENFANTS ONT TOUJOURS RAISON m'a bien dilaté la rate.

NOTE. Mon blog parle de la connaissance de soi. Si le coeur t'en dit, tu es bienvenu.

Christian Roy, aka Leroy said...

@rimailleur. modite vodka.

@jigé. bienvenu par chez nous.