La fin de semaine dernière, je me suis justement laissé tenter par un film dit impulsif, Edmond dont le scénario a été écrit par David Mamet, surtout connu pour sa pièce Glengarry Glen Ross. C'était intrigant.
Résultat : un navet incroyable.
Heureusement, j'avais aussi loué Le Couperet de Costa-Gavras qui reprend étonamment un propos similaire : un homme dans la quarantaine voit sa vie basculée alors qu'il est licencié de son emploi d'ingénieur chimique dans une grosse boîte de fabrication de papier.
Edmond, lui, reçoit une note de sa secrétaire comme quoi son rendez-vous est reporté à 1h15. Il est ensuite entraîné dans un voyage d'enfer ou il ne rencontre que des personnages de bas étages.
Mais oublions Edmond.
Bruno Davers (merveilleusement interprété par José Garcia, excellent dans Peindre ou faire l'amour et Harry, un ami qui vous veut du bien), après deux ans et quelque de chômage parce que sur-qualifié (la situation du chômage en France n'est pas rose présentement, faut-il le préciser), trouve un filon pour retrouver un poste de la même envergure : liquider sa compétition.
En lisant ça, certains se diront "mais quel macabre plan!". En effet, ça ne fait pas dans la dentelle.
Mais Bruno n'est pas un serial killer comme les autres. Après un premier meurtre réussi, le deuxième devient plus difficile : après le meurtre, il ne peut plus arrêter de trembler, il perd pied. Au lieu de tuer seulement le "candidat" qui aurait pu l'empêcher d'obtenir un nouveau poste, il tue aussi sa femme, accidentellement.
Et c'est là que le drame prend une autre tournure, le serial killer humain, une personne ordinaire, notre voisin. Costa-Gavras met beaucoup l'emphase sur le côté familial de toutes les victimes de Bruno : père de famille, 2 enfants, petite banlieue tranquille ou le facteur distribue le courrier en vélo; ou chômeur dont la femme est partie à cause des déboires financiers de son mari.
Les victimes sont toutes attachantes. Et Bruno ne devient pas plus méchant, il s'attendrit même d'un de ses "adversaires" qui s'est recyclé en vendeur de vêtements pour homme. Il vient près de l'assassiner à coup de machette, mais préfère se faire une grimace lorsqu'il se voit en train d'asséner des coups dans le vide.
Le tueur n'est pas sérieux.
Toutefois, Costa-Gavras a conscience du malaise qui sévit lorsqu'on est au chômage : les pubs glamour tapissent le film, que ce soit des femmes à moitié vêtues, des autos sports ou des annonces de croisière, toutes les pubs sont bien cadrées et montrent ce qui a déjà été accessible au travailleur mais qui ne l'est plus au bénéficiaire de l'État.
Costa-Gavras disait à ce propos :
The advertisements are linked to the character. I didn’t put them just to make an anti-publicity comment. The character, just as the majority of people, is surrounded by these advertisements that propose very beautiful things that stimulate him. But he can no longer afford what is being advertised. That’s a big frustration. That participates also in the loss of his self-esteem.
Bruno affronte celui qu'il croit être son plus grand adversaire : le présentateur technique de Arcadia, ou Bruno aimerait bien travailler. Il se rend 2 fois chez Raymond Machefer, grand buveur, peu sexy, grand tombeur.
La première fois, Bruno casse une vitre et s'infiltre dans le domicile. Puis quand Machefer se pointe, aux petites heures, avec une conquête, Bruno abandonne momentanément son plan.
Il y revient et s'assoit patiemment au bureau de Machefer pendant qu'il rêvasse à sa nouvelle position d'ingénieur chimique chez Arcadia. Mais lorsqu'il se réveille, c'est Machefer qui pointe un fusil en sa direction et qui semble prendre le contrôle.
Mais il est complètement bourré.
Bruno réussit à le convaincre que c'est un de ses grands fans, il l'attendrit en lui disant qu'il est lui aussi ingénieur chimique, au chômage depuis plus de deux ans, et qu'il voulait lui en parler. Bref, Machefer est trop saoul, il l'invite à prendre un coup.
Tout un coup.
Il mélange cognac et vodka (pouah!) à quelques reprises jusqu'à ce qu'il s'effondre sur la table. Bruno en profite pour allumer le gaz en croyant l'asphyxier. Mais Machefer résiste.
Toutefois, son premier réflexe est de s'allumer une clope. Et boum!
La dernière scène, énigmatique s'il en est, montre Bruno au restaurant d'Arcadia en train de prendre l'apéro avec ses nouveaux collègues (car il a eu le poste!). La scène est une réplique de celle ou Bruno vient tâter le terrain alors que Machefer prend lui aussi l'apéro à ce resto. Bruno finit par quitter le restaurant, et Machefer ne rencontre pas vraiment Bruno.
Mais dans cette dernière scène, Bruno est attiré par une femme assise au bar qui, dans la scène précédente, vient d'imprimer la photo de Bruno... exactement comme Bruno obtenait les photos de ses futures victimes en passant une annonce dans le journal.
L'arroseur arrosé?
Cette femme, que nous n'avons jamais vue, l'incite à se rendre au bar ou il demande des clopes au barman. Bruno et la femme se regarde. The End.
Qui est cette femme? Est-ce justement une chômeuse qui s'apprête à tuer Bruno pour prendre son poste? La maîtresse de Bruno (nous savons que Bruno a eu une aventure il y a un certain temps, sans pour autant que Costa-Gavras n'insiste sur ce fait)? Aucune de ses réponses?
J'ai eu un étrange feeling à la fin du film. Et si c'était l'équivalent du doppleganger dans Twin Peaks (David Lynch)? Ou ce corridor que Fred Madison (Bill Pullman) traverse dans Lost Highway?
Heureusement, il ne devrait pas y avoir de Le Couperet 2, le retour de Bruno.
Ce film est tiré du livre The Ax de Donald Westlake. Si vous ne savez pas quoi m'acheter à Noël :)
Je vous suggère aussi l'excellent article Ideology and Social Commentary in Le Couperet, publié chez Offscreen.
10 comments:
Quand on clique sur Peindre ou faire l'amour, on ne peut revenir ici. On se retrouve dans la boîte de commande à l'écran payable en euros.
Huh... tu peux passer la pub sur Allociné. J'ai fais deux «Back» et je suis revenu ici illico!
Sinon, utilises Firefox :)
Tu peux ouvrir des onglets au lieu d'ouvrir 12 000 fenêtres de browser ;-)
N'écoutez pas superk lorsqu'il dit qu'Edmond est un navet. C'est un très beau film qui explore l'écroulement d'une identité qui se croyait infaillible, ainsi que la distance qui sépare les êtres dans nos métropoles. Le tout dans une atmosphère mystérieuse plus proche de Lynch ou de Kubrick (dans Eyes wide shut par exemple) que de Costas-Gavras (dont le Couperet demeure très bon par ailleurs).
Désolé frank, mais j'ai vraiment trouvé les dialogues difficiles, voire inutiles. Pénible. Mais ce n'est que subjectivité, j'en conviens :)
À y repenser, ça me fait un peu penser au Procès de Kafka (si vous pouvez trouvé ce film et que vous aimez Lynch, sautez dessus!)...
Mais c'est tellement mal filmé!
Que l'univers soit glauque, que les personnages soient tous plus diaboliques les uns que les autres, pas de problème.
Au théâtre ça devait être bon. J'ai juste eu l'impression que c'était un film botché.
C'est pas le scénario ni l'histoire en général qui fait défaut, c'est la cinématographie.
Et la comparaison avec David Lynch: tu me donneras le nom de ton pusher :-)
Mais bon, je suis content que tu aies finalement daigné laisser un commentaire par chez nous!
... et Frank, n'oublies pas que tu fais frémir Françoise qui feint finement la folie frivole et factice!
je ne l'ai point oublié... Amélie non plus d'ailleurs :-)
J'ai pas le goût de partir un débat sur Edmond avec toi, mais bon, lâche la pipe à crack avant d'écouter un film!!! C'est quoi le problème avec la cinématographie dans Edmond? Mal filmé, ça veut dire quoi??? Pis les dialogues, SVP écoute en VO (avec sous-titre français si t'as de la misère avec la langue de Shakespeare).
Anyway, je sais qu'au fond le déplaisir que tu as ressenti à l'écoute est causé (outre ton abus de crack) par ton homophobie latente que tu essaies de refouler tant bien que mal. Attention, le destin d'Edmond pourrais te guetter :p
T'as pas envie... mais t'as envie quand même ;-)
Pour la cinématographie: le film est réalisé par Stuart Gordon, célèbre pour Re-animator et autres films de Série B (certains diront «cultes») basés sur des histoires de Lovecraft.
J'ai adoré ces films... quand j'avais 14 ans et que je louais tout ce qui se trouvait dans la section Horreur.
Les dialogues ne sont pas convaincants, Edmond n'a aucune confiance en lui et même lorsqu'il sacre ou traite quelqu'un de fucken nigger ou autre joli quolibet, je n'y ai pas cru.
C'était forcé car ce n'est pas dans la nature d'Edmond: c'est un bourgeois qui «tente d'avoir des relations sexuelles avec une prostituée», il n'essaie pas de «baiser une p***».
On peut comparer Edmond à De Niro dans Taxi Driver. Sauf qu'Edmond appartiendra toujours à la bourgoisie, ce n'est pas un révolutionnaire qui veut nettoyer New York de ses méchants.
Finalement, c'est un personnage faible aux répliques faibles ("I don't feel like a man") écrit par un scénariste de talent mais réalisé par un freak de films gore.
Ce qui est surprenant, c'est de voir tous les commentaires positifs sur le site du Voir...
Ça doit être moi qui n'ai rien compris ;-)
Donc, je nettoie ma pipe à crack et je m'en vais trouver mon smak au suqare Berri, après je fais un pit-stop au Oscar Wilde dans le Village :)
"Peindre ou faire l'amour" et "Un ami..." = Sergi Lopez, pas José Garcia.
Merci anonyme! T'as raison... Je mélange toujours les deux acteurs :|
Je vais m'en tenir à la fiction au lieu de faire de la critique :p
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