6.11.06

Ell&Il, prise 8

Il La voyait souvent morte au bout de son sang sous un saule-pleureur au cimetière Côte-des-Neiges Il pensait à tous ses bons moments passés entre les tombes à batifoler comme des enfants à se souvenir de ses petits délices comme Bobino l'après-midi et Fanfan Dédé le matin avant les Satellipopettes; Il se souvenait de Bob Barker et des midinettes qui lui servaient de faire-valoir (ou était-ce le contraire?); Il se souvenait de toutes ces conneries alors qu'Il eut préféré se souvenir d'Elle; Elle et ses jambes à perte de vue à perte de souffle Elle qui d'un seul doigt l'empêchait de se défoncer la tronche par un baiser un seul ou plusieurs des trillons à la fois de la verge à la glotte il en pleuvait à grandes gorgées douces et blanches comme le nectar des vierges déflorées.

Il La voyait pendu au bout d'une branche du saule-pleureur bi-centenaire qui trônait à l'entrée du cimetière Côte-des-Neiges; la plupart du temps les reflets des astres reflétaient dans les yeux d'Elle comme une illumination divine le matin comme le soir; la lumière La transfigurait et au moment où Il voulait pleurer de joie toute l'eau de son enveloppe humaine un sourire Le transperçait comme si Elle revivait au sommet de ce saule qui dort au pied du mont Royal.

Il La voyait pendu au bout d'un fil de fer suspendu entre vie et terre et mort d'effluves sanglantes comme la brise qui crachine un vent de fiel archange et limpide comme l'air du temps perdu entre les tombes; Gabriel et quelques anges Les entouraient Les enroulaient dans leurs bras exsangues et Les narguaient alors qu'ils flottaient au-dessus à travers eux comme des marionettes mal guidées narguantes et embêtantes comme une belle-mère lors d'une nuit de noces; ils Les caressaient Les rendaient plus beaux redessinaient Leurs traits Les défiguraient pour mieux Les remodeler; ils s'amusaient de la mort d'Elle comme on surprend un adolescent pratiquant un seul devant Dieu; ils s'amusaient de Sa mort comme ce n'est pas admis au temple des loups-garous sans charme et sans âme: leur Dieu tout-puissant de ciel et terre créateur serait probablement en beau fusil.

Il La voyait pendu au bout de leurs rêves et tout en déchargeant et en maculant le restant de fidélité qu'il avait pour Elle Il tordait son sexe le tournait dans tous les sens pour le rendre plus laid plus minuscule Il l'étirait le griffait Il prend un couteau et y forge des vers Il ne crie ni ne pleure Il prend son mal en silence pendant qu'Elle le dévisage du haut de sa mort végétale; Elle prend des allures verdâtres moroses la mort n'est vraiment pas rose se dit-Il pendant qu'Il pisse le sang et qu'Il redécore le siège de la dernière demeure de Sa muse Sa sublimation Son ultime raison de souffrir.

Pendant qu'Il mourait au bout de son sang Gabriel lui dit arrête arrête Elle vit en toi en ton coeur en ton âme; là-haut Elle est au chaud Elle ne manque de rien; Il l'envoie paître l'envoie promener chier Il lui botte le cul lui dit tu n'es qu'un crisse de con que connais-tu à l'amour qu'as-tu déjà vécu demi-être drap en rabais chez Wal-Mart je ne crois pas à l'Immaculée Conception tu n'es rien tu erres depuis des vies et des vies tu crois vraiment m'impressionner? Tu n'es qu'un foutu divertissement divin une fausse couche irritante une bouteille de bière chaude à demi-pleine qui ne se vide jamais un sac à merde (la Merde se pointe et vient pleurer sa fefille elle vient toujours avec sa gang d'épaves et ils pleurent comme des Madeleine c'est Gabriel qui doit aimer la Merde pleure de la chiure par ses yeux Jean-Thomas braille du sperme par son cul et George ne dit rien ne fait rien reste là béat ne comprend pas pourquoi Elle bouge pas dit-il et Elle répond détruire dit-elle détruire dit-elle pour que le fantôme de Marguerite Duras se rue sur George qu'elle l'encule qu'elle le rosse le batte le fasse vomir à force de l'enfoncer avec une branche de saule de peuplier d'érable et de merisier puis lui asséner quelques bons coups derrière la tête au creux de la nuque pour entendre le sec crac qui le fera basculer dans les limbes cet entre-deux flottant ce no man's land des non-enfants de Dieu cette absurdité eucharistique ce non-sens cartésien la Merde est aveuglée à force de chier des yeux l'odeur et la vue en sont insupportables Jean-Thomas se vide de tout le sperme qu'il a emmagasiné pendant toutes ses années au parc Lafontaine au Bois-de-Boulogne et dans Central Park) une goutte de sperme dans l'océan des béatitudes poisseuses et vertueuses de la Mère de toutes les mères.

Le sang s'écoulait de Son sexe et Il entendait le cliquetis du revolver d'Elle Il aurait voulu Lui enlever le Lui voler le faire disapraître à tout jamais pour qu'Elle ne puisse pas en finir bêtement pendue au bout d'un saule une balle en plein coeur c'était sa roulette russe sauf qu'Elle n'avait aucune échappatoire: c'était soit la balle soit la corde, Elle n'a pas eu à choisir.

Les voix qui Lui parlaient n'avaient rien d'inhabituel elles Lui disaient mais qu'attends-Tu donc pour la couper pauvre idiot ne vois-Tu pas que Tu ne sers à rien que personne ne Te pleurera que la seule qui T'aurait pleuré a eu la bonne idée de s'envoyer en l'air avant que Tu n'y penses comme Tu es stupide en plus d'être moche pourrais-Tu tenter d'être moins répugnant de soigner Ton apparence de Te laver de temps à autre oh pas trop souvent seulement une fois par mois pour commencer; les voix étaient plutôt sympatiques considérant leur état proche des limbes on ne saurait trop en demander à ces voix car elles sont peut-être celles du Seigneur qui sont impénétrables incommensurablement belles comme Ses lèvres qui blêmissent sous le soleil de janvier.

Il La voyait souvent pendue au bout de son sang pendant qu'Il se zigouillait la bite pour mieux souffrir de ne pas avoir empêché son double suicide sa double mort immanquable à l'extrémité d'un arbre triste d'un arbre mort d'un arbre beau comme une église en proie aux flammes comme un premier ministre assassiné aux heures de grande écoute.

5 comments:

Nina louVe said...

Superk, tu te souviens que pour la série Blues je fesais office de voyeuse muette ? Laisse-moi un peu te dire aujourd'hui ici, novembre 2006 "Ell&Il" est rapide et fougue comme ce vent, ce vent que j'aime. On dirait du cinéma tellement le texte porte d'images. ¨ca fait naître des klaxons et des violons électriques. Des néons et des réverbères couchés sur l'asphalte!!!

Continue, vas!!! Jusqu'au 50 000 mots. Tu as tous mes encouragements et mes sourires Superk !!! Go again, mas!!!

Christian Roy, aka Leroy said...

Merci Nina merci! Je tâcherai d'être à la hauteur de ma réputation de héros gazoline :)

Nina louVe said...

Yes!! You already are dear virtual friend

Anonymous said...

Être une fausse couche, ça ne doit pas plaire... En portugais, on utilise plutôt "tu es un avortement de la nature". Nettement plus poétique, n'est-ce pas? :|

Christian Roy, aka Leroy said...

En effet, ici Il s'en prend à Gabriel mais il s'en prend aussi à toute la religion ou la foi. Et comme l'ange n'est pas vraiment né, il a toujours été... anyway c'est un work-in-progress ;-)