31.1.07

Secrets, mensonges et demi-vérités

Prologue

Au centre de la scène se trouve une énorme bulle style Boy in a Bubble. On y distingue à peine quelqu'un qui semble noyé dans une brume épaisse (étouffé). On entend de longs sillements d'asthmatique sur fond d'Aretha Franklin qui chante Respect.



La respiration syncopée du personnage dans la bulle, Martrand, correspond au rythme funky de la Soul Sister Number One.

À gauche de la bulle est assis Pitiblou. Il lit son journal assis dans un fauteuil de type La-Z-Boy. Il semble additionner des chiffres au hasard sans que le sens ne parvienne au spectateur (3.14, 152, 53, +15, -22, 7.54, etc.). De plus, Pitiblou émet des borborygmes incompréhensibles pendant toute la scène. Il s'endort et se réveille sans crier gare.

À droite, Malamer astique le plancher, frotte les careaux, fais la vaisselle et arbore un naperon « Faites l'amour pas la vaisselle ». Puis, entrent sur scène Malamer II et Malamer III qui font les mêmes tâches que Malamer. Les trois portent le même tablier, la même coupe de cheveux, très court.

1

Martrand Reibení. Tout est gris. Je nage dans un brouillard perpétuel où je ne peux qu'entrevoir un avenir glauque et des drames mesquins. Ce n'est pourtant pas ce que me prédit l'oracle Touva Bueno. C'est écrit dans sa ligne de main : ton avenir est parsemé de lauriers et d'auréoles, de femmes et d'écus. À mon humble avis, Touva Bueno abuse du houblon. Mais je ne suis pas encore né, laissons la chance au coureur qui ne paie rien pour attendre, c'est Malamer qui ramasse le bill.

Le livre que je n'ai jamais ouvert et qui contient tous mes secrets, toutes mes vies passées et à venir, duquel je lis les plus belles pages de feu, se consume comme je m'étiolerai sous vos regards indiscrets. Je le tiens, il brûle à vue de nez, c'est comme un navire qui dérive, ivre d'avoir trop aimé. (Hésite) Trop dormi. Aimé. Dormi. E accent aigu? Oui, e accent aigu.

La partition que je n'ai jamais lue mais qui me siffle des airs langoureux et fertiles comme feue Savage L'Ancienne, je la lèche pour mieux m'imbiber de son encre en 12/8 qui rythme les mouvements de mon berceau pré-limbique. Je suis le mammifère amphibien qui poissonne comme un reptile en évolution terminale. L'agressivité, la peur, le plaisir des souvenirs post-nataux : cool.

Malamer. Tout doit être parfait avant l'arrivée de Martrand Reibení. Faut que ça shine!

Malamer II et III (en choeur). Faut que ça shine! Faut que ça shine!

Malamer. Tout doit être parfait avant l'arrivée de mon Martrand Reibení. Sept ans que je l'attends, sept ans que j'astique et que je frotte pour préparer son arrivée, pour m'assurer que tout soit parfait, tu ne manqueras de rien mon chéri, tu seras dorloté, poupouné, cajolé, embrassé, caressé, tu ne manqueras de rien mon chéri, tu ne manqueras de rien.

Malamer s'allume une cigarette. Tousse.

Malamer II et III (en choeur, frénétique, presque illuminée). Faut que ça shine! Faut que ça shine! Tu manqueras de rien mon beau bebé d'amour, tu vas voir qu'avec Malamer, ça y va aux toasts! Pis ça va être propre propre propre, inquiète-toi même pas!

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